Journée mondiale des toilettes

Pour un accès juste aux installations sanitaires

Qu’est-ce que la Journée mondiale des toilettes ?

La journée mondiale des toilettes est une campagne de sensibilisation et de mobilisation annuelle, le 19 novembre, pilotée par l’Organisation des Nations Unis (ONU) qui «vise à faire prendre conscience de l’importance des toilettes et de la situation des personnes qui vivent sans accès à un assainissement géré en toute sécurité.» Selon l’ONU, 2 milliards de personnes ne disposent toujours pas de services d’hygiène de base, dont 653 millions sont dépourvues de tout service.

Mais au Québec, on a tous une toilette, non!? 

La population québécoise est plutôt choyée quant à ses services d’eau, que ce soit l’accès à l’eau potable ou les services d’assainissement. L’enjeu de l’accès aux toilettes au Québec est d’ordre public. C’est-à-dire qu’il y a un manque criant d’infrastructures sanitaires PUBLIQUES dans la province et notamment à Montréal. Plusieurs personnes vulnérables et avec des besoins particuliers n’ont pas un accès juste à des installations adéquates lorsqu’elles se retrouvent dans l’espace public. 

Afin de sensibiliser la population ainsi que les municipalités à cette problématique, Eau Secours a formé un partenariat avec l’organisme REsPIRE et la CDC Plateau-Mont-Royal. Nous unissons nos voix pour demander que les municipalités s’occupent de mettre en place les infrastructures nécessaires.

Lire notre communiqué de presse en cliquant ici…

Pour en savoir plus sur les réalités de nombreuses personnes de notre société, consultez ci-dessous le texte de Mme Nathalie Boucher, directrice et chercheuse pour l’organisme REsPIRE ainsi que les caricatures produites dans le cadre de notre campagne. 

Les toilettes et la ville : la liberté et la nécessité de faire pipi

Qui n’a jamais vécu, lors d’une sortie en ville, le désagrément d’une envie de pipi pressante, sans toilette propre accessible rapidement ?

C’est une expérience tellement courante qu’elle est banale. Personne ne parle des conséquences de la rareté des toilettes publiques, car nous les avons tous et toutes vécues, parfois avec gêne : se retenir, aller dans un lieu privé, se trouver un endroit discret… ou s’échapper. Pourtant, ce tabou empêche de mesurer l’ampleur du problème.

Quelques audacieuses recherches existent sur le peu d’installations sanitaires publiques en ville — c’est un problème très urbain. Ici, au Canada, les toilettes publiques ont déjà existé, sous différentes formes. Mais pour des raisons morales et économiques, elles ont disparu avec le temps. Nos propres recherches ethnographiques sur les espaces publics que nous réalisons depuis plusieurs années à Montréal, et la recherche en études urbaines, en santé publique et en travail social, notamment, montrent comment toute la population est tenue en otage par ce choix.  

Les personnes itinérantes en souffrent, car elles n'ont nulle part où aller. Les femmes doivent composer avec des besoins particuliers : les menstruations et les grossesses.

Les enfants en apprentissage de la propreté publique ne peuvent pas encore se retenir. Les personnes âgées peuvent avoir des besoins fréquents, imprévus, auxquels une réponse rapide est exigée. Les personnes avec des maladies telles que les troubles intestinaux ne peuvent risquer de se retrouver sans toilette. Les personnes en situation de handicap trouveront très peu d’installations sanitaires pleinement accessibles. Les gens qui travaillent dans l’espace public (pour les services de livraison, les taxis, les transports publics, etc.) sont soumis à des horaires et des trajets qui incluent peu d’accès à des installations sanitaires privées. Les touristes quittent la ville sans soulagement, avec un sentiment d’insatisfaction. 

Au-delà de la retenue ponctuelle, les problèmes liés à l’absence d’eau, de lieux d’assainissement et de ressources pour l’hygiène créent des insécurités sanitaires, sociales et de mobilités. Dans les cas les plus sévères, des personnes doivent limiter la durée de sortie ou leur itinéraire, voire ne pas sortir du tout pour éviter un accident. Dans d’autres cas, ne pas avoir accès à des installations sanitaires raccourcit la présence dans les espaces publics. Pourquoi aller à la patinoire du parc s’il faut vite rentrer à la maison dès que les patins sont mis pour se soulager ? Les gens qui ont les moyens et une allure respectable pourront aller dans un commerce, peut-être en échange d’un achat. Cela n’est pas sans créer une pression indue sur les entreprises privées alors que leurs installations et ressources ne répondent peut-être déjà pas complètement à leur clientèle. D’autres se soulageront dans une ruelle ou derrière un buisson, tout en générant un problème d’insalubrité et d’insécurité.

Dans les pires canicules, aux premières minutes d’un nouveau cycle menstruel, aux prises avec une diarrhée soudaine, avec un bébé à la couche qui déborde ou une envie qui ne se retient pas, et dans beaucoup d’autres scénarios, il faut une installation sanitaire propre, sécuritaire, bien éclairée, bien équipée, avec de l’eau potable, et accessible pour tous et toutes.   

Les expériences douteuses des toilettes chimiques ou infructueuses des toilettes autonettoyantes ne devraient pas freiner la réflexion et l’action. La Ville de New York a, dans les dernières semaines, adopté un projet de loi pour faire passer le nombre de toilettes publiques de 16 à 50 pour 100 000 habitants. Le projet Tokyo Toilet, au Japon, a permis la construction de près de 20 installations sanitaires, dont les designs distinctifs ont été réalisés par des architectes internationaux.

La Journée mondiale des toilettes des Nations unies invite à prendre conscience de ce besoin universel et à revendiquer la liberté et le droit de faire pipi pour tous et toutes.  

Nathalie Boucher
Directrice et chercheuse, Organisme REsPIRE

Quelques références pour en savoir plus

L’accès aux services sanitaires en caricatures

En plus d’être rares, les toilettes publiques sont souvent mal entretenues, défectueuses ou carrément fermées. Cette situation n’est pas normale, il faut exiger de meilleures installations sanitaires aux autorités municipales!

La situation actuelle cause des injustices pour les plus vulnérables de la société: les personnes itinérantes en souffrent car elles n'ont nulle part d’autre où aller, les personnes âgées peuvent avoir des besoins fréquents et imprévus, les personnes avec des maladies ne peuvent risquer de se retrouver sans toilette et les personnes en situation de handicap trouveront peu d’installations pleinement accessibles.
Offrir des installations sanitaires publiques, c’est assurer la dignité et la justice pour toutes les populations.

Les femmes souffrent souvent du manque d’installations sanitaires adéquates alors qu’elles doivent composer avec des besoins particuliers liés notamment aux menstruations et aux grossesses.

Une amende pour un, une récompense pour l’autre?

Un parc sans installations sanitaires adéquates est incomplet. Trop souvent elles sont limitées, fermées ou mal entretenues. Ce n’est pas normal de devoir risquer de se cacher dans un buisson!

Dès leur jeune âge, on apprend aux enfants à se retenir longtemps ou à le faire dans le buisson du parc. Les familles ont des besoins particuliers et doivent avoir accès à des installations sanitaires publiques pour maintenir la dignité de tous et toutes, y comprit les enfants.

Les personnes qui travaillent dans l’espace public (pour les services de livraison, les taxis, les transports publics, etc.) sont soumises à des horaires et des trajets qui incluent peu d’accès à des installations sanitaires adéquates.

Ces personnes se débrouillent comme ils le peuvent, mais ce n’est pas normal de devoir payer ou se cacher pour ses besoins. Les toilettes publiques sont trop rares et trop dispersées.