11 juillet 2024
Montréal, le 11 juillet 2024 – Le 3 juillet 2024, le gouvernement fédéral a donné son aval au projet d’expansion des parcs à résidus miniers et des haldes à stériles de la mine du Lac Bloom en ajoutant les lacs et rivières entourant le projet à sa liste d’exceptions à l’interdiction de détruire des habitats du poisson. Ce sont donc 37 plans d’eau entourant le site minier, représentant 156 hectares d’habitat du poisson et bien davantage de milieux naturels en tous genres, qui seront détruits à perpétuité. Le gouvernement fédéral emboîte ainsi le pas au gouvernement provincial, à l’encontre de l’avis du BAPE, des scientifiques et de l’opinion publique, et crée un dangereux précédent.
Contre vents et marées populaires et scientifiques
Pour rappel, le projet d’augmentation de la capacité d’entreposage des résidus miniers et des stériles à la mine de fer du lac Bloom initié par le propriétaire actuel de la mine Minerai de fer Québec (MFQ) a été soumis à l’analyse d’un BAPE en 2021. Le projet proposait ainsi de sacrifier 156 hectares de lacs pour y déverser ses déchets miniers. Plusieurs groupes se sont opposés fermement à cette proposition de MFQ, une pratique ayant été graduellement abandonnée ou carrément interdite un peu partout à travers le monde, étant donné son caractère dévastateur, et compte tenu du fait qu’une alternative moins dommageable existe, soit le remblaiement des fosses minières à l’aide des déchets que ces fosses génèrent.
Le rapport du BAPE était explicite : « la commission d’enquête est d’avis que l’initiateur n’a pas fait la démonstration que les solutions retenues pour la gestion des rejets miniers sont celles qui minimisent les impacts sur les milieux humides et hydriques […]. En conséquence, la commission recommande que le projet ne soit pas autorisé tel que présenté. »
De plus, un sondage Léger réalisé en juillet 2022 a démontré clairement qu’il n’y avait aucune d’acceptabilité sociale pour la destruction des lacs et milieux naturels pour entreposer des déchets miniers. Près de neuf personnes sur 10 au Québec (89%) se disaient en faveur d’« interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible ».
« Malheureusement pour les écosystèmes et pour les populations qui en dépendent et revendiquent leur protection, c’est au nom de la préservation d’un « potentiel minéral » présumé – donc d’intérêts économiques hautement spéculatifs à ce stade-ci – que des alternatives comme le remblaiement des fosses ont été écartées et que la destruction de lacs et de cours d’eau de cette partie du territoire a été autorisée », déplore Émile Cloutier-Brassard, responsable des dossiers miniers d’Eau Secours.
Les organismes environnementaux Eau Secours et Fondation Rivières ont par ailleurs produit, au printemps 2023, la démonstration claire que ce projet s’est développé à coup de décrets en permettant des agrandissements à la pièce et s’appuyant systématiquement sur des promesses que ces expansions du site n’en provoqueraient pas d’autres. Cette démonstration a été soumise aux instances fédérales qui savaient donc pertinemment dans quel historique de faux engagements s’inscrit cette énième demande d’agrandissement obligeant cette fois au sacrifice de dizaines de plans d’eau.
Finalement, la législation fédérale est claire, statuant qu’il est interdit de rejeter de substances nocives dans les eaux où vivent des poissons sans y être autorisé par règlement (selon l’article 36 (3) de la Loi sur les pêches du Canada. En donnant son aval à la destruction de si grands lacs simplement pour y entreposer des déchets miniers, le gouvernement fédéral répète une fois de plus et accentue la portée d’un précédent dangereux qui facilite le contournement de sa propre loi. On entretient ainsi une tendance au nivellement vers le bas, puisque cela envoie le message aux minières que la destruction d’habitats du poisson pour y déverser ses déchets miniers deviendrait une option plus fortement tolérée par les instances gouvernementales.
« L’acier vert » ne sera jamais bleu
Le 19 avril dernier, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec rencontrait le journal Les Affaires et y réaffirmait son désir de promouvoir « l’acier vert » que permet de produire le minerai de fer extrait notamment à la mine de fer du Lac Bloom. Les groupes signataires dénoncent que le ministre et le gouvernement affirment produire un acier «vert» et responsable alors que seront détruits 37 plans d’eau représentant plus de 157 hectares d’habitat de poissons.
« On le voit aujourd’hui, le prix à payer pour produire cet acier « vert », c’est le sacrifice de dizaines de lacs et de centaines d’hectares de milieux humides et hydriques. Des écosystèmes détruits et un environnement rendu invivable pour une réduction marginale des émissions de gaz à effet de serre de quelques gros industriels : on ne pourrait illustrer de façon plus claire les limites de cette vision orientée vers les seules technologies pour atténuer les effets de la crise climatique et de la crise de la biodiversité. Une réduction drastique de notre dépendance à l’extraction de minéraux vierges s’impose, et elle s’impose rapidement, car avec autant de lacs et de rivières inscrits sur sa liste noire, l’acier « vert » ne sera jamais bleu. » de conclure M. Cloutier-Brassard.
Citations
« Permettre de détruire un lac en y enfouissant des déchets miniers toxiques reste un crime contre l’environnement. Aucune mesure ne peut compenser ce crime. » Daniel Green – Société pour vaincre la pollution
« Autoriser la destruction de lacs, de rivières et de cours d’eau en s’appuyant sur la seule demande de l’industrie est une honte nationale. Devant la multiplication de ces pratiques minières à l’échelle du Québec et du pays, les gouvernements doivent répondre de toute urgence avec un régime d’interdiction strict qui ne doit souffrir d’aucune exception. », Me Rodrigue Turgeon, MiningWatch Canada et Coalition Québec meilleure mine
« Cette décision va totalement à l’encontre de l’intelligence collective qui s’est prononcée maintes fois par le biais des voix citoyennes, scientifiques, militantes et autochtones, elle ne dessert que l’industrie tout en détruisant la nature, c’est d’un déplorable aveuglement. » – Chantal Levert, RQGE
« Comme nous l’avions détaillé dans notre mémoire lors des audiences du BAPE sur ce projet (en 2020) : « la destruction de milieux humides et hydriques, les risques de contamination aquatique et atmosphérique, et les impacts sur la santé et le bien-être de la population locale engendrés par ce projet se doivent d’être soulignés, et ne peuvent se faire éclipser par les arguments économiques à court et moyen terme. » Nous sommes consterné.e.s que le gouvernement fédéral se range aux côtés du gouvernement québécois dans ce dossier, condamnant cette nature au profit d’une compagnie minière et de visions gouvernementales qui instrumentalisent des milieux naturels en les transformant en poubelles à résidus miniers. La création et le maintien d’emplois et l’économie locale sont certes importants, mais ne peuvent aller à l’encontre de la santé environnementale et humaine, et de l’équité sociale et environnementale. » – Patricia Clermont, organisatrice Ph.D, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME, membre de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME-CAPE))
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Contacts médias :
Mathieu Langlois
Responsable des communications, Eau Secours
514 588-5608
communications@eausecours.org
Me Rodrigue Turgeon
MiningWatch Canada et Coalition Québec meilleure mine
819-444-9226
rodrigue@miningwatch.ca
Signataires (ordre alphabétique) :
- André Bélanger, Fondation Rivières
- Raymond Carrier, Coalition québécoise les lacs incompatibles avec l’activité minière (Coalition QLAIM)
- Patricia Clermont, organisatrice Ph.D, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
- Émile Cloutier-Brassard, Eau Secours
- Danielle Descent, Mani-utenam
- Laura Fontaine, Innue de Mani-utenam
- Daniel Green, Société pour vaincre la pollution (SVP)
- Chantal Levert, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
- Isabel Orellana, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté, Université du Québec à Montréal
- Me Rodrigue Turgeon, MiningWatch Canada et Coalition Québec meilleure mine
- Myriam Thériault, Mères au front
Annexe
- Rapport rédigé par Eau Secours et Fondation Rivières lors de consultations tenues par le gouvernement fédéral sur la destruction planifiée de ces plans d’eau. (PDF)
- Cartes des plans d’eau qui seront sacrifiés:
- Figure 1: Zone géographique qui sera inscrite à l’annexe 2 du Règlement sur les effluents des mines de métaux et des mines de diamants (REMMMD) pour le parc à résidus (tiré de la Gazette du Canada).
- Figure 2: Zone géographique qui sera inscrite à l’annexe 2 du REMMMD pour la halde de stériles (tiré de la Gazette du Canada)
3. Image satellite de Google Maps du site afin d’en montrer l’étendue du site. Au centre se trouvent les fosses minières, tandis qu’au sud-ouest du site, la tache orange est le parc à résidus de la mine du Mont-Wright opérée par ArcelorMittal, soit un triste avant-goût du sort réservé aux 37 plans d’eau entourant le site de la mine du Lac Bloom.
4. Image du lac F, à la frontière avec le Labrador, d’une superficie de 88 ha (29 fois le Lac aux Castors du parc du Mont Royal à Montréal) qui sera rempli par des déchets miniers de la mine Lac Bloom de la compagnie Minerai de fer Québec. L’utilisation de lacs comme dépotoir minier doit cesser au Québec. Source: Société pour vaincre la Pollution.
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