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Quand Trump viendra pour notre eau, le Canada doit être prêt

13 janvier 2025

Ce texte a été rédigé par Maude Barlow et publié initialement dans le Toronto Star le 16 novembre 2024. Avec la permission de l’autrice, nous l’avons traduit et partagé sur notre site. Bonne lecture!

Nous ferions mieux d’être prêts.

Le président élu Donald Trump a remarqué quelque chose lors de ses voyages à travers les États-Unis: de nombreuses régions de son pays manquent d’eau. Les réserves d’eau souterraine s’épuisent plus vite qu’elles ne peuvent être reconstituées. L’Ouest américain traverse une crise de l’eau qui dure depuis plusieurs années. National Geographic affirme que le pays «manque d’eau».

Pour Trump, «Make America Great Again» signifie ramener les emplois, l’agriculture et la production d’énergie ainsi que l’industrie manufacturière aux États-Unis. Il ne peut pas y parvenir sans eau, et il a déjà indiqué où il pourrait en trouver. Le Canada dispose d’un «robinet géant» qui ne prendrait qu’une journée à ouvrir, et toute cette eau «arriverait ici et directement à Los Angeles».

L’idée que le Canada a de l’eau à revendre est cependant complètement fausse. Le Canada possède environ 7% de l’eau douce renouvelable de la planète et a besoin de chaque goutte pour faire face à la fois au changement climatique et à la demande. La Colombie-Britannique et l’Alberta en particulier ont été confrontées à de graves sécheresses et à des incendies au cours des étés passés, ce qui a conduit le Wall Street Journal à affirmer que les lacs et les rivières du Canada «s’assèchent». En octobre 2024, Agriculture Canada a classé 64 % du pays comme anormalement à extrêmement sec, dont 67% du paysage agricole canadien.

Pourtant, le « mythe de l’abondance » persiste au Canada et ailleurs et de nombreux projets d’exportation commerciale de notre eau vers les États-Unis ont été élaborés par le passé. Les Canadiens se sont opposés avec succès à plusieurs projets d’exportation commerciale d’eau, notamment le Grand Canal, qui aurait détourné l’eau de la baie James, et le NAWAPA, qui aurait endigué les rivières du nord de la Colombie-Britannique pour les détourner vers le sud des États-Unis. Le tollé public a également stoppé deux projets d’exportation massive d’eau à la fin des années 1990, l’un du lac Supérieur, l’autre d’un lac glaciaire de Terre-Neuve, tous deux destinés à l’Asie par navire-citerne.

Depuis lors, un certain nombre de groupes de réflexion universitaires et privés ont proposé que le Canada envisage de mettre son eau sur le marché pour la vendre comme le pétrole et le gaz. En 2011, l’ancien premier ministre Jean Chrétien a déclaré qu’il était temps pour les Canadiens de débattre de la question du «partage de l’eau», soulignant que nous vendons du pétrole et du gaz, qui sont limités, mais pas de l’eau, qui est renouvelable.

Les accords commerciaux mettent encore plus en danger l’eau du Canada. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a donné aux entreprises américaines le droit de contester directement le gouvernement canadien si les lois et règlements protégeant l’eau affectaient leurs résultats financiers. Bien que l’accord ne puisse pas forcer le Canada à vendre son eau, si une province décidait de le faire, la disposition de «partage proportionnel» limiterait considérablement son droit de changer d’avis et mettrait fin à cette pratique.

Heureusement, dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui a succédé à l’ALENA, les dispositions relatives aux investisseurs et à l’État et au partage proportionnel ont été abandonnées, ce qui a redonné au Canada une grande partie du contrôle sur son eau. De plus, en 2013, le Parlement a adopté la Loi sur la protection des eaux transfrontalières, afin d’empêcher l’exportation de l’eau située dans une province ou un territoire.

Cependant, ces lois et accords commerciaux peuvent être modifiés sous la pression politique. Au cours de sa première administration, Trump a supprimé plus de 100 règles environnementales. Il a également déclaré qu’il souhaitait rouvrir l’ACEUM et qu’il utiliserait les tarifs douaniers pour plier les politiques d’autres pays à sa volonté.

La planète est en train de manquer d’eau douce propre et accessible. Un quart de la population mondiale n’a désormais pas accès à une eau potable adéquate et la moitié n’a pas accès à des installations sanitaires adéquates. Pour ceux d’entre nous qui ont la chance de vivre dans un pays qui dispose encore de réserves d’eau douce, il est de notre responsabilité particulière d’en prendre soin.

Laisser cette eau être ouverte à l’exportation commerciale par des sociétés à but lucratif pour que Donald Trump puisse, selon ses propres termes, «drill, baby, drill» serait une trahison envers l’environnement, les Premières Nations qui protègent cette eau depuis des millénaires et les générations futures.

Quelle est la position des partis sur cette question? Et qui parmi eux se battra pour l’eau?

Maude Barlow est activiste et autrice. Elle est une membre fondatrice du Conseil des Canadiens, dont elle a été présidente du conseil d’administration pendant plus de trois décennies. Elle a travaillé sur la protection et la justice de l’eau pendant près de quatre décennies et a été conseillère principale sur l’eau à l’Assemblée générale des Nations Unies.
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