lettre_Stablex_12-06-2024

Lettre au ministre Charette: Demande de ne pas émettre l’autorisation d’exploitation pour Stablex avant d’avoir les rapports d’inspection du ministère et de faire une révision publique de la gestion des matières dangereuses résiduelles au Québec.

12 juin 2024

Lettre adressée à M. Benoît Charette, Député de Deux-Montagnes, Ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Ministre responsable de la région des Laurentides

Le 12 juin 2024

Objet : Demande de ne pas émettre l’autorisation d’exploitation pour Stablex avant d’avoir les rapports d’inspection du ministère et de faire une révision publique de la gestion des matières dangereuses résiduelles au Québec.

Monsieur le Ministre,

À la suite d’un échantillonnage-citoyen des ruisseaux et fossés entourant les installations de traitement des déchets dangereux de Stablex à Blainville en décembre 2023, nous avons appris par un communiqué de presse du 7 juin dernier que votre ministère a fait ses propres échantillonnages en avril 2024 au site de Stablex.  

Les données des citoyens de décembre 2023 ont démontré une contamination des eaux et des sédiments par des métaux toxiques à proximité de Stablex. Nous vous avons d’ailleurs envoyé nos données en vous demandant de faire vos propres vérifications.  C’est donc avec étonnement que nous apprenons dans votre entrevue donnée à la Presse parue le 8 juin, que vous attaquez les données des citoyens en disant que « la méthodologie qui a été utilisée, malheureusement, était déficiente » en ajoutant que votre ministère « Pour rassurer la population, on a procédé à des analyses qui sont rigoureuses. Dans les faits, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. »

 Monsieur Charrette, notre Coalition de groupes est outrée par votre façon de procéder. Nous avons eu la décence de vous envoyer nos résultats d’analyse de la contamination trouvée près de Stablex avant de les annoncer publiquement.  Nous vous demandons donc, par un retour de décence élémentaire, de nous faire parvenir tous vos résultats d’échantillonnage des eaux (surfaces et souterraines) et sédiments, avec les dates, les lieux, les rapports du laboratoire, ainsi que toutes les communications qui auraient eu lieu entre  vous, votre ministère et  la compagnie Stablex, avant, pendant et après les échantillonnages et analyses effectuées par votre ministère.  

De plus, dans le communiqué du 7 juin dernier, votre ministère mentionne qu’il « a réalisé, entre 2015 et 2023, un total de 65 inspections terrain afin de veiller à la conformité des opérations de l’entreprise, en plus de faire des vérifications hors du site. »  Notre Coalition vous demande également, par souci de transparence, de nous faire parvenir les détails et résultats de ces 65 « inspections terrain ».   

Nous voulons aussi vous rappeler que notre Coalition vous a écrit le 14 mai dernier pour vous demander d’inclure plusieurs conditions à l’autorisation d’exploitation qui pourrait être octroyée prochainement à Stablex pour les 5 prochaines années (jusqu’à mai 2029). Vous n’avez pas encore répondu à notre lettre.

Les 10 conditions de notre Coalition se trouvent en annexe de cette lettre.

La Coalition réitère et vous demande encore une fois de ne pas autoriser une nouvelle cellule d’enfouissement de déchets industriels à Stable avant que votre ministère ne soit plus transparent quant aux impacts environnementaux des opérations de Stablex à Blainville.

En effet, la Coalition des citoyens de Blainville nous a appris récemment que des « événements » chez Stablex au cours des dernières années ont requis l’évacuation de personnes travaillant dans des commerces à proximité de l’usine ainsi que des interventions des services d’incendie de Blainville.

Il est aussi possible que l’usine Stablex soit considérée comme une installation dangereuse au sens de la Loi fédérale sur la protection de l’environnement. Il serait dommage que votre autorisation permettant l’expansion de l’enfouissement augmente ainsi le risque d’accident à l’usine Stablex.

Aussi, notre Coalition vous rappelle qu’une « non-autorisation » de votre part d’une nouvelle cellule d’enfouissement à Stablex n’affectera pas à moyen terme la capacité actuelle de l’entreprise d’offrir des services aux producteurs de déchets dangereux du Québec.

En effet, comme vous devez le savoir, le BAPE a déjà évalué que la cellule #5 de Stablex, en cours d’exploitation, pourrait combler les besoins de l’entreprise d’enfouissement jusqu’au début des années 2030.

Ainsi, quoi que vous dise Stablex, il n’y a aucun empressement de donner à cette compagnie américaine plus d’espace au Québec pour enfouir des déchets dangereux, dont une partie provient des États-Unis, et qui permettrait d’approcher cet enfouissement à 300 m d’un quartier résidentiel (Les sentiers du Maréchal) à Blainville.

Finalement, la Coalition de groupes environnementaux vous réitère sa demande de vous conformer à l’avis du BAPE demandant « un état des lieux sur la gestion des matières dangereuses résiduelles et des matières non dangereuses préoccupantes au Québec ».

Vu que votre ministère a annoncé son intention de faire une révision du Règlement sur les matières dangereuses du Québec ainsi que la mise en place d’un système de suivi de la production et des mouvements de déchets dangereux pour réduire la contamination du territoire Québécois, notre Coalition demande que cette révision soit inclusive et qu’elle permette au Québec de mieux définir son orientation face à la problématique des déchets industriels dangereux.  Pour notre Coalition, cette révision doit être publique et doit inclure un débat sur le fait que le Québec est devenu un importateur important de déchets industriels dangereux en Amérique du Nord. Il doit aussi mettre l’accent sur la réduction des importations et de la production de déchets dangereux au Québec. La Coalition veut amener votre ministère à promouvoir une plus grande responsabilisation des industriels du Québec pour produire plus proprement en utilisant des procédés industriels moins polluants et moins générateurs de déchets industriels dangereux.

La Coalition attend de vous une invitation formelle pour participer à cette révision sur la façon dont le Québec gère les déchets dangereux industriels sur son territoire.  

En attente des réponses à nos demandes de votre part et demeurant à votre disposition pour échanger sur nos propositions, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.

Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours
Martin Legault, coordonnateur pour le MARE (Mouvement d’action régional en environnement)
Daniel Green, président et porte-parole de la Société pour vaincre la pollution
Pascale Robert et Marie-Claude Beaulieu, Mères au front Rivière-des-Mille-Îles
Normand Léo Beaudet, porte-parole de la Coalition Alerte à l’Enfouissement Rivière du Nord

ANNEXE

Conditions demandées par la Coalition des groupes environnementaux à inclure dans l’autorisation d’exploitation à Stablex (2024-2029)

  1. Obligation de faire un suivi des rejets dans les fossés de Blainville et de rendre publiques les données de ce suivi.
  2. Obligation de rendre publiques les données sur ses rejets (concentrations et charges mensuelles) dans les égouts de Blainville.
  3. Obligation de rendre publiques les données passées (depuis 2020) et publier de façon régulière les données de la station d’échantillonnage de l’air ambiant opérée par Stablex à Blainville.
  4. Obligation de rendre publique une caractérisation complète et régulière des intrants de déchets industriels à Stablex.
  5. Obligation de rendre publiques des données sur la qualité des eaux souterraines du réseau de puits d’observation des eaux souterraines de Stablex.
  6. Limiter l’autorisation 2024-2029 à Stablex à la cellule 5 existante.
  7. Obligation de faire des tests sur les déchets traités enfouis.
  8. Obligation de faire un état des travaux de remblaiement sur la cellule 4 (le but et les autorisations reçues) depuis 2023 et de faire un suivi sur l’intégrité de la couverture sur cette cellule.
  9. Obligationd’utiliser un laboratoire accrédité indépendant.
  10. Obligation de faire des essais supervisés (avec le ministère et d’autres experts indépendants) de performance sur des échantillons prélevés dans les cellules d’enfouissement 1 à 5 afin de vérifier si les déchets traités et entreposés depuis des décennies ont conservé leur état initial.

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