Mine pas notre esker

À plusieurs égards, les eskers de l’Abitibi-Témiscamingue sont des structures géologiques exceptionnelles. Disséminés aux quatre coins de la région, plusieurs eskers sont réputés pour leurs capacités de filtrer, de retenir, d’emmagasiner et de fournir une qualité d’eau de très grande pureté. Ils sont également particulièrement susceptibles d’abriter une biodiversité d’une grande richesse, parfois même endémique.

Des milliers de claims sur les eskers

Mais les eskers sont lourdement menacés par l’extraction des ressources minérales. En date du mois de mai 2022, 5161 titres miniers couvraient entièrement ou partiellement les eskers de la région, sans compter les zones tampons à prévoir. Ces titres couvrent une superficie de l’ordre de 2 600 kilomètres carrés, soit 4 % du territoire de la région et 18 % de tous les titres miniers dans la région.

Les 26 et 27 mai derniers s’est tenu à Val-d’Or le Forum Esker. Cet événement, organisé par la Société de l’eau souterraine de l’Abitibi-Témiscamingue (SESAT) et les Organismes de bassin versant du Témiscamingue et de l’Abitibi-Jamésie (OBVT et OBVAJ), a fait état du besoin urgent de protéger les eskers du développement minier.

Demande officielle au ministère des Ressources naturelles

La veille de ce forum, cinq organismes, soit le Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue, l’Action Boréale, Eau Secours, la Coalition Québec Meilleure Mine et MiningWatch Canada, ont déposé conjointement une demande officielle au ministère de l’Énergie et des Ressources Naturelles (MERN) afin que tous les eskers de la région soient soustraits à l’activité minière.

Nos échanges subséquents avec le MERN au mois de juin et de juillet 2022 ont permis d’indiquer qu’il reconnaît son pouvoir pour protéger les eskers en raison de leur intérêt public. Toutefois, le ministère nie l’utilité publique des eskers, et tente de se dégager de sa responsabilité à agir lui-même en vue de leur protection globale et effective.

La population largement en faveur de la protection de l’environnement

Le 2 août, la Coalition Québec Meilleure Mine publiait les résultats d’un important sondage Léger duquel sont notamment tirés les constats suivants :

- 78% de la population québécoise se dit en faveur d’exiger “le consentement des populations locales (p.ex. : municipalités, Nations autochtones) avant d’autoriser toute activité minière sur leur territoire”;
- 89% demandent “d’interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible”;
- 73% estiment que l’industrie minière “engendre des impacts négatifs importants sur l’environnement”, alors qu’à peine 28% jugent que l’industrie et les gouvernements “en font assez pour protéger l’environnement”;
- 79% affirment qu’il faut prioriser la santé et l’environnement, “même si cela signifie que certains projets miniers devront cesser leurs opérations”.

Les eskers font partie intégrante du territoire occupé par les différentes communautés de l’Abitibi-Témiscamingue. Ils représentent une fierté viscérale pour les gens de la région, un élément central de leur identité et de leur rapport à la nature.

Aux communautés et aux municipalités de jouer

Ces territoires riches et vulnérables sont d’abord et avant tout administrés et connus par les communautés anicinapek et les municipalités. C’est pourquoi nous les avons invitées à adopter une résolution ambitieuse pour la protection des eskers face à l’industrie minière. Nous espérons que les voix des municipalités et des communautés anicinapek de la région s’additionnent afin d’accentuer la pression sur le MERN.

Le gouvernement du Québec doit reconnaître l’utilité publique des eskers, considérant les services écologiques qu’ils nous rendent, et prendre action concrètement et rapidement en donnant suite à notre volonté partagée de protéger ces milieux précieux.