9 septembre 2021
Le 30 août dernier, Justin Trudeau a annoncé vouloir investir 1 milliard $ sur 10 ans afin de protéger l’eau douce au Canada. Une annonce qui tombe à point, alors que le Canada ressent de plus en plus les effets des changements climatiques avec ses records de température et ses pénuries d’eau douce dans plusieurs régions, y compris au Québec.
Nous sommes bien sûr heureux de savoir que la protection de l’eau, cette ressource précieuse et indispensable à la vie, demeure une priorité. Mais, en réalité, est-ce de l’argent dont l’eau a besoin ou d’une volonté politique plus ferme et collaborative avec les autres intervenants et instances gouvernementales?
Qu’en est-il de la création de l’Agence canadienne de l’eau, engagement gouvernemental datant de 2019 dont nous connaissons à peine le mandat et la promesse de ne pas empiéter sur les compétences provinciales. Permettra-t-elle de répondre aux nombreuses problématiques liées à l’eau douce, de compétences fédérales, qui sont sans solution ou tout simplement ignorées?
En lien avec la création de l’Agence, le gouvernement s’est engagé à travailler de concert avec les différentes communautés autochtones. Plusieurs de ces communautés autochtones n’ont toujours pas accès à l’eau potable et ce, en dépit de l’engagement de Justin Trudeau en 2015 de régler la situation avant mars 2021. Plus d’une trentaine de communautés autochtones n’ont toujours pas accès à l’eau potable et M. Trudeau se permet une nouvelle promesse électorale!
L’un des buts de la nouvelle agence serait d’assurer la pérennité de nos plus grandes sources d’eau potable au pays dont le bassin des Grands lacs et du fleuve Saint-Laurent qui abreuvent 1 personne sur 4 au Canada. En dépit de cette volonté, le gouvernement du Canada poursuit le développement de la filière nucléaire en absence de politique nationale de gestion des déchets nucléaires répondant aux normes internationales. La plupart des déchets radioactifs sont entreposés près des plans d’eau ce qui représente un risque de contamination de l’eau potable surtout dans la région de Chalk River où des déchets de tout le Canada sont transportés. Ce site est situé à moins d’un kilomètre de la rivière des Outaouais, le principal affluent du Saint-Laurent.
En amont du fleuve, dans le bassin des Grands lacs, nous trouvons la ligne 5 d’Enbridge. Ce pipeline transfrontalier, datant de 1953, traverse le détroit de Mackinac qui relie les lacs Michigan et Huron, une zone écologiquement fragile. Plusieurs experts affirment que la portion sous-marine du pipeline représente une bombe à retardement qui entraînerait des conséquences environnementales désastreuses. Malgré cette menace de contamination pour la biodiversité de la région et l’eau potable, le gouvernement défend ardemment ce vieux tuyau plutôt que de chercher une solution viable et sécuritaire pour l’eau douce.
En parlant de contamination, on apprenait récemment que la décontamination des eaux souterraines à la base militaire de Valcartier serait encore repoussée. Pendant ce temps, les terrains contaminés continuent de polluer la nappe phréatique…
Alors que l’annonce d’un milliard de dollars s’annonce comme sauveuse de l’eau douce au Canada, celui qui la propose a maintes fois montré son fervent appui à l’industrie pétrolière – industrie de plus en plus reconnue comme source majeure de contamination de l’eau, surtout en Alberta. Une récente étude y ajoute une preuve supplémentaire en affirmant que des substances toxiques des sites d’exploitation de sables bitumineux aboutissent dans la nappe phréatique, impactant ainsi la biodiversité et les communautés autochtones avoisinantes. En conférence de presse pour l’annonce de la création de l’Agence de l’eau, notre premier ministre a confirmé une fois encore son appui à l’extraction d’hydrocarbures en affirmant : « …c’est une opportunité de vendre notre pétrole ailleurs qu’aux États-Unis. Ça va donner des profits qui vont être tous investis dans la lutte contre les changements climatiques et le virage vert ». Une idée en soi assez contradictoire…
Nous accueillons favorablement cette annonce d’investissement dans l’eau douce. Cependant, les décisions et actions entreprises par le gouvernement doivent aller dans le même sens que les promesses électorales et l’objectif de l’Agence canadienne de l’eau, soit celui de protéger notre ressource bleue si précieuse! Pour ce faire, il est indispensable de mettre un terme aux projets d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, arrêter le développement de la filiale nucléaire dont les déchets seront toujours un risque pour l’eau et achever la décontamination des sites tels que Shannon à Valcartier et les lagunes de Mercier. Il faut également accroître la surveillance des industries et commerces pour éviter tous nouveaux déversements mais également la commercialisation de la ressource en vrac ou en produits transformés. Finalement, tel que confirmé en 2012 par le Gouvernement du Canada, l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement doit être garanti pour chacun des canadiens et canadiennes, nonobstant sa classe sociale, ses origines ou son genre.
En ces temps d’élections fédérales et municipales, nous sommes bombardés de promesses électorales de protection de l’environnement et de nos ressources. Nous devons demeurer vigilants afin de s’orienter vers des choix judicieux qui en assureront la sauvegarde. Heureusement, nous ne sommes pas seuls dans ce périple. Il existe des initiatives comme Vire au vert pour nous guider et plusieurs organismes non gouvernementaux offrent des analyses approfondies des enjeux et promesses électorales. Nous avons deux chances plutôt qu’une cet automne pour voter en faveur de la protection de nos ressources, profitons-en!
Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours