8 avril 2022
English version follows
Lettre adressée à Monsieur Benoît Dubreuil – directeur, région du Québec, Agence d’évaluation d’impact du Canada
Monsieur le Directeur,
Par la présente, Eau Secours souhaite vous communiquer ses préoccupations relatives aux lacunes de l’évaluation d’impacts environnementaux en ce qui concerne la gestion de la contamination en arsenic des eaux de la fosse qui serait engendrée par le Projet de mine de lithium Baie James de Galaxy Lithium (Canada) Inc.
Fondé en 1997, Eau Secours a pour mission de promouvoir la protection et la gestion responsable de l’eau dans une perspective de santé environnementale, d’équité, d’accessibilité et de défense collective des droits des populations. Eau Secours participe activement depuis plusieurs années à étudier, relever et dénoncer les risques liés à l’eau des différents secteurs industriels au Québec, incluant le secteur minier.
À la lecture de l’étude d’impact environnemental (ÉIE) du promoteur [1], et plus spécifiquement du Rapport de modélisation de la qualité de l’eau de surface [2] ainsi que du Document de réponses à la troisième demande d’information [3], il nous apparaît que la gestion à long terme des eaux qui s’accumuleraient dans la fosse telle qu’actuellement proposée par le promoteur est nettement insuffisante pour assurer la pérennité et la qualité des ressources hydriques. Notre principale préoccupation concerne la contamination des eaux en arsenic.
Tel qu’on peut le lire à la page 7-45 du chapitre 7 de l’ÉIE de juillet 2021, il est prévu que la fosse laissée par Galaxy Lithium se remplisse graduellement d’une eau qui se chargera d’arsenic. Le promoteur affirme que « la nature physicochimique d’origine des eaux de surface sera rétablie » au moment du démantèlement des infrastructures de gestion de l’eau [4]. Or, le plan de restauration du promoteur ne prévoit aucune mesure concrète pour que la qualité de l’eau soit rétablie à son niveau d’origine.
Le plan de restauration du promoteur, tel que détaillé à l’annexe D de l’ÉIE [5], inclut les principaux éléments suivants en relation avec la fosse et les eaux qui s’y accumuleraient :
- Le promoteur affirme sa volonté de restaurer le site à un état satisfaisant à la suite des opérations, ce qui implique, notamment, de « limiter la production et la propagation de substances susceptibles de porter atteinte au milieu récepteur » [6];
- Le promoteur prévoit que la fosse s’inonde naturellement au fil des ans avec l’apport des précipitations et des eaux souterraines jusqu’à un niveau d’équilibre avec la nappe phréatique, ce qui pourrait prendre 180 années selon les estimés du promoteur [7];
- Un déversoir serait construit pour les surplus d’eau et le chenal d’écoulement serait dirigé vers le cours d’eau CE3 [8], lequel se déverse dans le bassin versant du lac Asiyan Akwakwatipusich situé quelques centaines de mètres en aval;
- Le promoteur ne prévoit aucun traitement des eaux de la fosse avant leur rejet dans le cours d’eau CE3.
Bien que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AÉIC) ait soulevé, en janvier 2022 (réf 3, question CCE3-32), l’enjeu de la contamination en arsenic de la fosse et des impacts potentiels sur le cours d’eau CE3 et les eaux en aval, la réponse du promoteur n’apporte pas davantage de mesures pour gérer la contamination en arsenic. Le promoteur s’en remet plutôt à des hypothèses relatives au bilan hydrique et à des facteurs de dilution qui ne sont démontrés dans aucune modélisation approfondie.
Dans son rapport de modélisation de la qualité des eaux de surface (réf 2), le promoteur évalue les concentrations d’arsenic dans la fosse après les opérations. Selon cette modélisation, les concentrations d’arsenic se situeraient entre 0,20 et 0,23 mg/L jusqu’à environ 60 ans après l’arrêt des opérations. Par la suite, elles ne diminueraient pas en-dessous de 0,170 mg/L et ce, même après 180 années (réf 2, Figure 10). Or, ces niveaux sont environ 2 fois supérieurs à la norme prescrite (0,1 mg/L) par le Règlement des effluents des mines de métaux et des mines de diamants (REMMMD), environ 40 fois supérieurs aux recommandations du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME) pour la protection de la vie aquatique en eau douce (0,005 mg/L), et jusqu’à 230 fois supérieurs aux niveaux d’arsenic naturellement présents dans les cours d’eau environnants (voir Tableau 1 ci-dessous).
Tableau 1: Comparaison des niveaux d’arsenic dans la fosse minière avec d’autres normes et critères
Ces niveaux d’arsenic enfreindraient non seulement la réglementation fédérale, mais ils contribueraient également à dégrader significativement la qualité des écosystèmes environnants pendant des décennies, voire des siècles, posant des risques inacceptables pour les espèces aquatiques, la faune aviaire et la faune terrestres qui fréquentent ces milieux. Ces risques ne sont pas suffisamment documentés par le promoteur dans les évaluations environnementales.
En effet, la fosse deviendra un lac intégré au milieu naturel pendant des décennies après les opérations minières. La restauration sérieuse et responsable de la fosse devrait inclure des mesures qui tendent vers une qualité de l’eau proche des conditions naturelles qui prévalaient sur le site avant le projet. Il faut considérer que les eaux de la fosse, chargées d’arsenic, se déverseraient éventuellement dans le cours d’eau CE3, qui s’écoule lui-même vers le lac Asiyan Akwakwatipusich situé quelques centaines de mètres en aval.
Par ailleurs, il y a des contradictions dans l’évaluation du promoteur concernant les niveaux d’arsenic naturellement présents dans les cours d’eau environnants. Le promoteur mentionne dans sa réponse R-CCE3-32 : « Il est connu que les concentrations en As sont naturellement élevées dans le secteur (environ 0,100 mg/L) […] ». Or, l’ÉIE du consultant indique que la plupart des concentrations d’arsenic mesurées dans les cours d’eau du site à l’étude se situent sous la barre du 0,001 mg/L à l’état naturel actuel, et que la plus forte valeur médiane obtenue est de 0,0028 mg/L [9]. La valeur utilisée par le promoteur est 30 à 100 fois plus élevée comparativement à ces dernières évaluations. Le promoteur doit revoir la validité des données utilisées pour déterminer la gestion et le traitement des eaux de la fosse à long terme.
Un traitement devrait être envisagé pour réduire les teneurs en arsenic dans la fosse à un niveau approprié afin de protéger la vie aquatique dans la fosse et les cours d’eau avoisinants à long terme. Une recherche sommaire nous informe que des traitements techniquement accessibles et économiquement viables ont été utilisés au Canada pour traiter une eau de fosse chargée en arsenic par neutralisation et précipitation à l’aide d’un hydroxyde directement dans la fosse [10].
En somme, selon Eau Secours, il apparaît primordial que les évaluations environnementales et le plan de restauration de Galaxy Lithium incluent la gestion de la contamination en arsenic issue de la fosse. Eau Secours recommande que des mesures sérieuses et basées sur des données valides et des hypothèses fiables soient présentées par le promoteur, afin que le Québec et les collectivités touchées n’héritent pas, suivant la réalisation de ce projet, d’une fosse et d’effluents miniers contaminés à l’arsenic.
En vous remerciant sincèrement de l’attention que vous portez à la présente, et surtout n’hésitez pas à communiquer avec nous pour toute information complémentaire.
Nous vous prions de recevoir, nos salutations les plus distinguées,
Émile Cloutier-Brassard (B.Sc.)
Analyste minier, Eau Secours
Rébecca Pétrin (B.Sc., M.Env)
Directrice générale, Eau Secours
CC :
- Hon. Steven Guilbeault, ministre d’Environnement et changement climatique Canada
- Hon. Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec
- Chef Kenneth Cheezo, Nation Crie d’Eastmain (version papier)
- Chef Clarke Shecapio, Nation Crie de Waskaganish (version papier)
- Terry Hubbard, président de l’AÉIC
- Marc Croteau, sous-ministre MELCC et Administrateur provincial du chapitre 22 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois
- Luc Lainé, président du comité d’examen des répercussions sur l’environnement et le milieu social du COMEX
- Ugo Lapointe, représentant de la Coalition Québec meilleure mine
- Rodrigue Turgeon, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada
Notes:
- Étude d’impact environnemental révisée, WSP, juillet 2021.
- Étude d’impact environnemental révisée, Update to Surface Water Quality Modeling – Final, WSP USA, July 2021. (Annexe B)
- Réponses à la troisième demande d’information reçue de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada dans le cadre de l’évaluation environnementale du projet Galaxy Lithium (Canada) Inc., WSP, janvier 2022.
- Étude d’impact environnemental révisée, Chapitre 7 : Identification et évaluation des impacts sur l’environnement, section 7.2.4, Phase de postrestauration. WSP, juillet 2021.
- Étude d’impact environnement révisée, Plan de restauration préliminaire, WSP, juillet 2021. (Annexe D)
- Ibid., section 4, §2.
- Ibid., section 4.6.6, §2.
- Ibid., section 4.6.6, §3.
- Étude spécialisée sur l’habitat aquatique, tableaux 6 à 14, WSP, juillet 2018.
- BC MEND ML/ARD, Annual Workshop et Study to Identify BATEA for the Management and Control of Effluent Quality from Mines, MEND Report 3.50.1, September 2014.
English version
Letter adressed to Mister Benoît Dubreuil – Regional Director, Quebec Regional Office, Impact Assessment Agency of Canada
Mister Director,
Eau Secours is writing to you to express our concerns about the deficiencies in the environmental impact assessment regarding the management of arsenic contamination of pit waters that would be generated by the Galaxy Lithium (Canada) Inc.’s James Bay Lithium Mine Project.
Founded in 1997, Eau Secours’s mission is to promote the protection and responsible management of water from the perspective of environmental health, equity, accessibility, and collective defence of people’s rights. Eau Secours has been actively involved for several years in studying, identifying and denouncing water-related risks in various industrial sectors in Quebec, including the mining sector.
Upon reading the proponent’s Environmental Impact Statement (EIS) [1], and more specifically the Surface Water Quality Modeling [2] and the Answers to the Third Information Request [3], it appears to us that the long-term management of the water that would accumulate in the pit as currently proposed by the proponent is clearly insufficient to ensure the sustainability and quality of water resources. Our main concern is arsenic contamination of waters.
As stated on page 7-45 of Chapter 7 of the July 2021 EIS, the pit left by Galaxy Lithium is expected to gradually fill with water that will be loaded with arsenic. The proponent claims that “the surface water’s physicochemical nature will return to its initial condition” at the time of dismantling the water management infrastructure [4]. However, the proponent’s rehabilitation plan does not include any concrete measures to restore the water quality to its original level.
The proponent’s rehabilitation plan, as detailed in Annex D of the EIS [5], includes the following key elements related to the pit and the water that would accumulate in it:
- The proponent affirms their desire to restore the site to a satisfactory state following operations, which implies, in particular, “limiting the production and spread of substances likely to affect the receiving environment”[6];
- The proponent expects the pit to flood naturally over the years with rainfall and groundwater inflow until it reaches equilibrium with the water table, which the developer estimates could take 180 years [7];
- A weir would be constructed for excess water and the flow channel would be directed to stream CE3 [8], which empties into the Asiyan Akwakwatipusich Lake watershed located a few hundred metres downstream;
- The proponent does not plan any treatment of the pit water prior to its release into stream CE3.
Although the Impact Assessment Agency of Canada (IAAC) raised the issue of arsenic contamination of the pit and potential impacts on stream CE3 and downstream waters in January 2022 (ref 3, question CCE3-32), the proponent’s answer does not provide further measures to manage arsenic contamination. Instead, the proponent relies on water balance assumptions and dilution factors that are not demonstrated in any thorough modeling.
In its Surface Water Quality Modeling report (ref 2), the proponent assesses the arsenic concentrations in the pit after operations. Based on this modeling, arsenic concentrations would range from 0.20 to 0.23 mg/L until approximately 60 years after cessation of operations. Thereafter, they would not decrease below 0.170 mg/L even after 180 years (ref 2, Figure 10). However, these levels are approximately 2 times higher than the Metal and Diamond Mining Effluent Regulations (MDMER), approximately 40 times higher than the Canadian Council of Ministers of the Environment (CCME)’s guideline for the protection of aquatic life in freshwater (0.005 mg/L), and up to 230 times higher than naturally occurring levels of arsenic in the surrounding waterways (see Table 1 below).
Table 1: Comparison of in-pit arsenic levels with other standards and criteria
These levels of arsenic would not only violate federal regulations but would also contribute to significant degradation of the quality of the surrounding ecosystems for decades, if not centuries, posing unacceptable risks to aquatic species, avian wildlife and terrestrial wildlife that frequent these environments. These risks are not sufficiently documented by the proponent in the environmental assessments.
The pit will indeed become a lake integrated into the natural environment for decades after mining operations. Serious and responsible restoration of the pit should include measures to return the water quality to near natural pre-project conditions. It must be considered that the arsenic-laden water of the pit would eventually flow into stream CE3, which itself flows into Asiyan Akwakwatipusich Lake located a few hundred metres downstream.
In addition, there are contradictions in the proponent’s assessment of naturally occurring arsenic levels in the surrounding waterways. The proponent states in its answer A-CCE3-32: “It is known that As concentrations are naturally high in the area (approximately 0.1 mg/L) […]”. However, the consultant’s EIS indicates that most of the arsenic concentrations measured in the study site streams are below 0.001 mg/L in the current natural state, and that the highest median value obtained is 0.0028 mg/L [9]. The value used by the proponent is 30 to 100 times higher compared to these last assessments. The proponent should review the validity of the data used to determine the long-term management and treatment of the pit water.
Treatment should be considered to reduce arsenic levels in the pit to an appropriate level to protect aquatic life in the pit and nearby waterways over the long term. Basic research indicates that technically feasible and economically viable treatments have been used in Canada to treat arsenic-laden pit water by neutralisation and precipitation with a hydroxide directly into the pit [10].
In short, according to Eau Secours, it is essential that Galaxy Lithium’s environmental assessments and rehabilitation plan include the management of arsenic contamination from the pit. Eau Secours recommends that serious measures based on valid data and reliable hypotheses be presented by the proponent, so that Quebec and the affected communities do not inherit, following the realisation of this project, an arsenic contaminated pit and mining effluents.
We sincerely thank you for your attention to this letter. Please do not hesitate to contact us for any further information.
Please accept our best regards,
Émile Cloutier-Brassard (B.Sc.)
Mining Analyst, Eau Secours
Rébecca Pétrin (B.Sc., M.Env)
Executive Director, Eau Secours
CC :
- Hon. Steven Guilbeault, Minister of Environment and Climate Change Canada
- Hon. Benoit Charette, Minister of Environment and Fight Against Climate Change (MELCC) of Quebec
- Chief Kenneth Cheezo, Cree Nation of Eastmain (paper version)
- Chief Clarke Shecapio, Cree Nation of Waskaganish (paper version)
- Terence Hubbard, President of the Impact Assessment Agency of Canada
- Marc Croteau, Deputy Minister of MELCC and Provincial Administrator of chapter 22 of the James Bay and Northern Quebec Agreement
- Luc Lainé, Chair of the Environmental and Social Impact Review Committee
- Ugo Lapointe, representative of the Coalition Québec meilleure mine
- Rodrigue Turgeon, national program co-lead, MiningWatch Canada
Notes:
- Revised Environmental Impact Statement, WSP, July 2021.
- Revised Environmental Impact Statement, Update to Surface Water Quality Modeling – Final, WSP USA, July 2021. (Annex B)
- Answers to the Third Information Request received from the Impact Assessment Agency of Canada as part of the Environmental Review of the Project, WSP, January 2022.
- Revised Environmental Impact Statement, Chapter 7: Identification and Assessment of Environmental Impacts, section 7.2.4, Post-Rehabilitation Phase. WSP, July 2021.
- Revised Environmental Impact Statement, Plan de restauration préliminaire (French Only), WSP, July 2021. (Annex D)
- Ibid., section 4, §2, free translation.
- Ibid., section 4.6.6, §2.
- Ibid., section 4.6.6, §3.
- Étude spécialisée sur l’habitat aquatique (French Only), tableaux 6 à 14, WSP, July 2018.
- BC MEND ML/ARD, Annual Workshop and Study to Identify BATEA for the Management and Control of Effluent Quality from Mines, MEND Report 3.50.1, September 2014.