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Bâillon sur le PL 93 : Brimer notre démocratie et nos milieux naturels pour satisfaire une entreprise américaine

27 mars 2025

Crédit image: Cette série de photos provient d’une étude remise au gouvernement, mais que ce dernier a refusé de rendre public. Le Devoir en a obtenu une copie d’une autre source et a partagé ces images.

Québec, le 27 mars 2025 – Plusieurs groupes environnementaux unissent leur voix afin de dénoncer l’impensable : le gouvernement Legault plie devant le lobby d’une entreprise américaine et impose le bâillon sur le projet de loi 93 afin d’accélérer son adoption. Malgré une véritable levée de boucliers de l’ensemble de la société, le gouvernement ignore complètement les souhaits de la population et le consensus scientifique afin d’offrir en cadeau le terrain de la Ville de Blainville à Stablex. 

Imposer un bâillon sur une loi aussi controversée et critiquée – notamment par des experts en droit – va entièrement à l’encontre de la démocratie. Cette mesure est d’autant plus inquiétante et consternante que le gouvernement l’emploie uniquement pour satisfaire aux exigences et menaces de Stablex qui veut entamer la destruction du terrain avant le 15 avril, date à laquelle prend effet la loi fédérale sur la protection de l’habitat des oiseaux migrateurs. C’est un dangereux précédent.

La majorité des intervenants qui se sont prononcés lors de la commission parlementaire considèrent que continuer d’enfouir des déchets toxiques en milieu urbain jusqu’en 2065 est une aberration. La bombe toxique, enfouie pour l’éternité, représente déjà un grave danger pour les citoyens de Blainville et ceux du Québec tout entier. Avons-nous oublié également que, sur le nouveau terrain offert en cadeau par notre gouvernement à la compagnie américaine Stablex, il ne s’agit pas que d’enfouissement mais également d’empilement de déchets toxiques pouvant représenter la hauteur d’un édifice de plusieurs étages? Nous laisserons cette empreinte toxique à une multitude de générations à venir.

De plus, les groupes s’insurgent que le gouvernement ait balayé du revers de la main la demande répétée de tenir une commission d’enquête publique sur la gestion des déchets dangereux au Québec. Cette recommandation, formulée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), a été réitérée par l’Union des municipalités du Québec, la Fédération des municipalités du Québec, des avocats spécialisés en environnement ainsi que par les groupes environnementaux. Le gouvernement s’entête ainsi à continuer sans stratégie à long terme pour la gestion de ces déchets à haut potentiel d’impacts sur l’économie, la santé humaine et l’environnement. C’est d’ailleurs cette absence de politique à jour qui a projeté le Québec dans cette impasse face à Stablex, selon les groupes. 

Finalement, un manque flagrant de transparence dans la gestion des déchets dangereux a été révélé depuis le début des démarches de Stablex pour l’agrandissement de son site, notamment concernant les déplacements transfrontaliers de ceux-ci. Les groupes réitèrent leur demande de déclencher une commission d’enquête sur la gestion des déchets dangereux pilotée par le BAPE afin de faire la lumière sur les pratiques en cours. Ils continueront à se mobiliser et à fouiller le dossier pour lever le voile sur les problématiques de la gestion des déchets dangereux au Québec. 

Citations: 

« Que notre gouvernement se plie aux menaces d’une entreprise américaine et de ses actionnaires est juste impensable! Ces actionnaires ne se soucient aucunement de nos milieux naturels qui seront saccagés et des risques de contamination pour l’eau dans la région. C’est vraiment une triste journée pour la démocratie québécoise. » Rébecca Pétrin, directrice générale d’Eau Secours

« Le gouvernement Legault, faisant fi de l’avis du BAPE, des citoyens, des groupes environnementaux, des municipalités et des experts en droit, n’aura écouté qu’une seule voix, celle d’une entreprise américaine importatrice de déchets dangereux, démontrant le peu d’importance qu’il accorde aux consultations, mais aussi à la notion même d’acceptabilité sociale. » Martin Legault, coordonnateur pour le MARE (Mouvement d’action régional en environnement)

« Il n’y a pas d’acceptabilité sociale quant à l’expansion du site de Stablex…écoutez et entendez nous! » Pascale Robert, Mères au front de Rivière-des-Mille-Îles

« Où est la conscience du gouvernement quant à ses responsabilités envers la santé environnementale et donc humaine, envers les services collectifs que nous rend cet espace naturel ? Comment ne pas s’inquiéter en voyant les arguments tortueux et fallacieux qui sont mis de l’avant par le gouvernement, et la position de confrontation qu’il adopte envers les municipalités et une large partie de la population ? L’acceptabilité sociale de ce projet de loi est inexistante, et un bâillon est un dangereux précédent anti-démocratique et anti-nature. » – Patricia Clermont, porte-parole de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)

« En faisant sien les arguments du promoteur que sont l’urgence et la menace d’un bris de service, le gouvernement s’apprête à prendre une décision qui pourrait avoir de graves conséquences sur les plans tant social, environnemental qu’économique et ce, pour des décennies à venir. » Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED)

 

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Signataires:

Eau Secours
Mouvement d’action régionale en environnement (MARE)
Coalition Alerte à l’Enfouissement R-D-N (CAER)
Mères au front de Rivière-des-Mille-Îles
Société pour Vaincre la Pollution (SVP)
Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED)
Fondation Rivières

Contacts médias:

Mathieu Langlois
Responsable des communications, Eau Secours
communications@eausecours.org
514 588-5608

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La nationalisation de l’eau est une fausse bonne idée

La protection et la conservation de l’eau au Québec ne passent pas par la nationalisation. L’eau est une ressource vitale pour les êtres humains ainsi que pour tout le vivant. La mettre dans la même catégorie que des ressources marchandes comme les minéraux critiques ou encore la comparer à la production d’électricité est une grave erreur. Il faut se tenir loin des projets qui cherchent à donner une valeur marchande à l’eau. Sa valeur est inestimable.

Photo de page titre Site Bunker vue vers le SO

Des groupes demandent le rejet immédiat du projet de loi 93 qui forcerait l’agrandissement du site de Stablex

20 mars 2025

Québec, le 20 mars 2025 – Plusieurs groupes environnementaux se rassemblent pour contester le projet de loi 93, Loi concernant notamment le transfert de propriété d’un immeuble de la Ville de Blainville, et demandent à ce qu’il soit abandonné immédiatement. Ils exigent ainsi qu’une commission d’enquête publique, menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), sur la gestion et la production de déchets dangereux, ait lieu avant l’adoption d’un projet de loi et l’expansion du site de Stablex à Blainville afin qu’une stratégie claire soit mise en place pour la gestion de ces déchets aux impacts importants. 

Une demande répétée, mais ignorée

La tenue d’un « état des lieux sur la gestion des matières dangereuses résiduelles » a été recommandée par le BAPE dans son rapport de 2023 suite aux consultations sur le projet de réaménagement de la cellule no 6 de Stablex à Blainville. Plusieurs groupes environnementaux, l’Union des municipalités du Québec et la Communauté métropolitaine de Montréal ont également fait cette demande au fil des dernières années. Malgré ces requêtes répétées auprès du gouvernement du Québec, celui-ci n’a jamais manifesté son souhait de déclencher une telle consultation. Selon les groupes, il n’est pas trop tard pour déclencher ce processus – plus encore, il doit impérativement être effectué avant l’adoption du PL 93. 

Une rupture de service orchestrée?

Stablex, une entreprise des États-Unis, a menacé le gouvernement du Québec d’une rupture de service advenant qu’elle n’obtienne pas le terrain de la part de la Ville de Blainville. C’est ce qui pousse Québec à présenter le projet de loi 93. Ce chantage crée une illusion de situation d’urgence avec seulement deux issues possibles. Cependant, comme mentionné par certains intervenants lors des consultations particulières, nous sommes en absence d’une réelle urgence puisque l’entreprise contrôle entièrement l’influx de matières dans son site et peut ainsi s’ajuster afin de mieux répondre aux réalités québécoises. Ensuite, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement Legault, plusieurs solutions ont été proposées au fil des années et répétées lors des consultations, notamment de cesser d’enfouir les sols contaminés qui peuvent être accueillis et même valorisés dans d’autres sites du Québec et d’arrêter les importations de déchets dangereux des États-Unis. Sans ces importations, nous aurions évité la situation actuelle. 

Les groupes demandent au gouvernement de ne pas plier face à ce type de menace, qui nous oblige à prendre des décisions précipitées sur des enjeux sensibles et à haut potentiel d’impacts sur l’économie, la santé humaine et l’environnement. Des décisions éclairées et réfléchies sont de mise, d’où l’importance d’un état des lieux sur la gestion et la production des déchets dangereux au Québec.

Les impacts réels et potentiels de ce projet sont très significatifs et méritent une considération adéquate qui dépasse l’horizon de la commission actuelle. Les groupes craignent entre autres le précédent dangereux qui serait créé par l’adoption de ce projet de loi, et son atteinte aux compétences municipales, à la démocratie locale et au droit des populations locales, actuelles et à venir, à un environnement sain. La durée de vie des produits enfouis est estimée à 800 à 1000 ans, ce qui hypothèquerait les 35 générations de Québécoises et Québécois à venir qui devront vivre avec le risque perpétuel de contamination à partir du site.

Un bâillon pour respecter les délais imposés par Stablex

Les groupes craignent que les débats sur le projet de loi soient écourtés par un bâillon pour forcer son adoption afin de permettre à Stablex de respecter la date limite du 15 avril pour la coupe d’arbres sur le terrain, prescrite par le Règlement sur les oiseaux migrateurs du gouvernement du Canada. 

Les groupes préviennent le gouvernement que cette atteinte claire à la démocratie et à la volonté de la population québécoise d’assurer la protection de ses milieux naturels ne passera tout simplement pas.

Citations

« Le site que Québec veut exproprier est contaminé. C’est la végétation du site qui aide à confiner les contaminants présents. Une fois le site défriché et décapé, les polluants du site s’écouleront dans la tourbière et dans les eaux de surfaces » Daniel Green, Société pour Vaincre la Pollution (SVP)

« Importation ou exportation de déchets dangereux, une opération de blanchiment de responsabilité des lobbies générateurs »  Normand Léo Beaudet, CAER

« L’arrêt de l’importation massive des déchets dangereux et de sols contaminés des États-Unis pour nous donner le temps de faire une véritable consultation publique nationale sur la gestion de ce type de déchets, voilà la véritable urgence.» Martin Legault, MARE

« Les risques environnementaux, sur la santé publique et même les risques économiques sont trop grands pour prendre une telle décision dans la précipitation. Le projet de loi no 93 devrait être abandonné pour avoir le temps de bien faire les choses. » Karel Ménard, FCQGED.

« L’acceptabilité sociale n’était pas au rendez-vous aux audiences publiques de 1980 ni à celles de 2023. Si le projet de loi 93 est adopté malgré l’opposition politique, municipale, citoyenne, écologiste et scientifique, la démocratie et l’intelligence collective seront dangereusement mises au rebut. » Chantal Levert, RQGE

« Nous avons besoin que nos institutions – telles le BAPE – soient écoutées et respectées, et surtout que la nature ne soit pas à nouveau sacrifiée sur l’hôtel d’économies offertes à une entreprise par notre gouvernement. Les services qu’elle nous rend en termes environnementaux mais aussi de santé humaine sont à mieux connaître et respecter, et il vaut la peine d’en prendre la mesure, au lieu de se plier à un calendrier économique qui nous coûtera, collectivement, à terme, tellement plus cher. » Patricia Clermont, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)

 

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Signataires:

  • Eau Secours
  • Mouvement d’action régionale en environnement (MARE)
  • Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED)
  • Coalition Alerte à l’Enfouissement R-D-N (CAER)
  • Mères au front de Rivière-des-Mille-Îles
  • Société pour Vaincre la Pollution (SVP)
  • Nature Québec
  • Fondation Rivières
  • Réseau québécois des groupes écologistes RQGE
  • Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)

Contacts médias:

Mathieu Langlois

Responsable des communications, Eau Secours

communications@eausecours.org

514 588-5608

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Mémoire | Projet de loi 93 Transfert de propriété d’un immeuble de la Ville de Blainville

Mémoire déposé le 18 mars 2025

À la fin du mois de février 2025, Mme Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts, a déposé le projet de loi 93 à l’assemblée nationale. Ce projet de loi vise à forcer la Ville de Blainville à vendre un terrain lui appartenant à l’entreprise américaine Stablex. 

Nous suivons le dossier de ce site d’enfouissement de déchets dangereux industriels depuis 2023, lorsque Stablex à déposé un projet au gouvernement visant à étendre ses opérations à son site à Blainville. Une coalition de groupes environnementaux s’est alors créée et c’est avec ceux-ci que nous cosignons ce mémoire:  Mères au front Rivière-des-Mille-Îles (MAF-RDMI), le Mouvement d’action régional en environnement (MARE), la Société pour vaincre la pollution (SVP) et la Coalition Alerte à l’Enfouissement Rivière-du–Nord (CAER).

Extrait de notre mémoire:

Au regard de toutes ces informations et suivant les lignes directrices d’aménagement du territoire proposées par les groupes environnementaux dans le cadre de la résilience et de la lutte aux changements climatiques; 

Suivant aussi la volonté citoyenne et les alignements des paliers gouvernementaux, municipaux et régionaux dans l’atteinte des cibles de préservation qu’ils se sont fixées;

Étant fermement contre l’expropriation d’une ville ou d’une municipalité par le gouvernement en place pour l’exploitation et/ou la vente d’un terrain au profit d’une multinationale;

Nous émettons un avis défavorable à l’adoption du projet de loi spéciale 93.

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Adaptation aux changements climatiques: L’importance du cycle local de l’eau

10 mars 2025

Cet article est paru dans l’édition de septembre 2024 de la revue Vecteur Environnement .

PAR GABRIELLE ROY-GRÉGOIRE, M. Sc. Env. 
Chargée de projet, Eau Secours

La vapeur d’eau est le gaz à effet de serre prédominant dans l’atmosphère.  L’eau et son cycle jouent un rôle déterminant dans la circulation et la transformation de l’énergie solaire. Face aux dérèglements climatiques croissants, il est impératif de s’intéresser au rôle de l’eau dans la régulation climatique et de l’intégrer dans l’adaptation des villes et municipalités au Québec. 

Le cycle de l’eau, globalement, suit le mouvement de l’eau dans les larges échanges entre les océans et la terre ; il s’agit du grand cycle de l’eau. Le petit cycle de l’eau, pour sa part, est un cycle local qui décrit la circulation de l’eau dans une même zone. Influencés par la morphologie d’une région, par l’humidité et par les interactions avec les cycles environnants, les cycles locaux font circuler l’eau à travers les grandes étapes du cycle de l’eau – l’évaporation, la condensation et les précipitations – dans un même environnement. Il s’agit d’une circulation dite fermée. 

Ce petit cycle de l’eau est crucial à notre approvisionnement en eau sur le territoire puisqu’il est estimé que 50 % à 65 % des précipitations annuelles sont engendrées par cette circulation locale (Kravčík et collab., 2007). La terre reçoit annuellement en moyenne 720 mm de précipitations, et plus de la moitié (soit 410 mm) proviendrait de l’évaporation locale de ses propres sols (Kravčík et collab., 2007, p. 17). Ce processus d’évaporation dépend de la disponibilité de l’eau dans les sols, alors que cette disponibilité est liée à la qualité du sol qui reçoit les précipitations. La bonne circulation locale de l’eau – qui engendre des effets refroidissants naturels sur un territoire et contribue à un climat stable – est donc étroitement reliée aux efforts de protection et de maintien des espaces naturels. 

Des processus de climatisation naturels 

Walter Jehne explique que l’eau gouverne 95 % des dynamiques thermiques de la planète (Jehne, 2017). Le cycle de l’eau contribue à la régulation du climat avec des mécanismes de réchauffement, notamment par l’effet de serre (la vapeur d’eau représente de 1 % à 4 % des gaz atmosphériques) (Jehne, 2017). Afin de limiter un effet de serre extrême, le cycle de l’eau permet également des mécanismes de refroidissement. Les nuages représentent le premier processus de refroidissement important du cycle de l’eau, et ce, pour trois raisons. D’abord, leur formation permet de retirer la vapeur d’eau chargée d’énergie de l’atmosphère en créant ces énormes masses d’eau dans le ciel. Ce changement d’état physique par condensation permet effectivement de transférer l’énergie de l’air aux nuages, retirant ainsi la chaleur de l’air. Ensuite, ceux-ci créent un effet d’albédo et réfléchissent une grande partie du rayonnement incident vers l’espace (Feldman, 2023). Il est estimé que 50 % de la planète est – en tout temps – recouverte de nuages qui réfléchissent en moyenne 120 watts par mètre carré (Kravčík et collab., 2007 ; Jehne, 2022). Finalement, les nuages causent les précipitations qui refroidissent la surface terrestre (Schwartz, 2018 ; Jehne, 2017). 

Le second mécanisme de refroidissement du cycle de l’eau est l’évapotranspiration au sol. L’évaporation constitue un processus par lequel les sols et les surfaces humides transforment l’eau liquide en vapeur d’eau atmosphérique. La transpiration fait référence au procédé propre aux plantes de transpirer leur eau pour évacuer la chaleur. Les plantes emmagasinent de l’eau par leurs racines et la relâchent par les pores de leurs feuilles, appelés stomates. L’évapotranspiration, ce processus cumulatif d’évaporation d’eau, requiert 590 calories d’énergie (2 400 joules) pour chaque gramme d’eau transformé de l’état liquide à l’état gazeux. Cela permet de transférer cette énergie thermique des plantes et du sol à la vapeur d’eau, qui l’emporte en altitude, où l’air ambiant est plus frais. Avec une disponibilité d’eau suffisante, certaines plantes peuvent évaporer plus de 20 litres d’eau par mètre carré au cours d’une journée ensoleillée, ce qui représente un transfert de plus de 11 millions de calories d’énergie (par m2) (Kučerová et collab., 2001). Ce système d’air conditionné naturel, porté par les végétaux, a un effet refroidissant exceptionnellement efficace. Finalement, l’eau – sous forme de vapeur – est transportée à des zones d’air plus frais où des noyaux de précipitations se forment grâce à la condensation, qui forment les nuages. 

Des conditions au maintien au cycle de l’eau 

L’évapotranspiration et la stabilité du cycle de l’eau ne sont possibles qu’à condition d’avoir une disponibilité d’eau dans le sol, d’où l’importance des sols riches et de végétations qui permettent l’infiltration. Les sols agissent comme des éponges ; ils permettent la rétention d’eau et assurent sa disponibilité pour la croissance des végétaux ainsi que pour alimenter le cycle hydrologique (Feldman, 2023). Plus les sols sont appauvris et asséchés, plus l’infiltration de l’eau en profondeur est difficile, ce qui engendre un ruissellement. Le cycle de l’eau fait donc face au défi de rétention de l’eau sur un territoire. Les nombreux usages du territoire (déforestation, agriculture intensive et urbanisation) ont mené à l’appauvrissement, à l’aridification et à la minéralisation des sols. Dans les villes et municipalités, la prédominance de béton et de bitume imperméabilise les sols et augmente de manière significative le ruissellement des eaux de pluie vers l’océan, hors de l’écosystème local. 

Cet aménagement du territoire pose non seulement des risques en matière d’événements météorologiques extrêmes, mais cause un « déséquilibre permanent et systémique de l’eau sur un territoire » (Kravčík et collab., 2007, p. 50). Un effet de synergie mène à une intensification tangible, rapide et continue de changement climatique à une échelle régionale comme globale. Pour le climat, la végétation terrestre est essentielle pour la transformation de l’énergie solaire (Kravčík et collab., 2007). Sans les plantes, la majorité de cette énergie est transformée en chaleur sensible, ce qui accroît de manière considérable la température. La présence de végétation permet de convertir l’énergie solaire en chaleur latente (Kravčík et collab., 2007). Ce phénomène, combiné à l’ombrage procuré par la canopée, permet cette fraîcheur caractéristique des espaces naturels et boisés. 

Vers une résilience territoriale 

La restauration du cycle de l’eau est nécessaire et peut se faire en maintenant l’eau de précipitations dans le même environnement. Comme mentionné précédemment, un cycle de l’eau optimal propose des apports significatifs à l’adaptation aux changements climatiques qui bouleversent les modes de vie. En privilégiant les espaces végétalisés en milieu urbain et en restaurant la végétation sur le territoire, les populations du Québec peuvent bénéficier d’environnements mieux adaptés aux aléas climatiques et plus résilients aux événements météorologiques extrêmes. Des initiatives telles que Ville éponge sont intéressantes, mais la restauration du cycle de l’eau dans les communautés humaines demande de rompre avec les approches fragmentées, et exige une gestion intégrée et intersectorielle pour une transformation systémique. 

Références

Daniel, J.-Y. (dir.) (1999). Sciences de la Terre et de l’Univers. Éditions Vuibert, Paris, 371 p. 

Feldman, J. (dir.). (2023). Regenerating life [Documentaire]. Hummingbird Films. En ligne : hummingbirdfilms.com/regeneratinglife/story. 

Jehne, W. (2017). Restoring Water Cycles to Naturally Cool Climates and Reverse Global Warming [Communication orale]. Ateliers au Lake Morey Resort, au Vermont : Changements climatiques et mitigation climatique. En ligne : youtube.com/watch?v=K4ygsdHJjdI. 

Jehne, W. (2022). Cooling the Climate Mess with Through Soil and Water [Communication orale]. Série de conférences à Cambridge, au Massachusetts : Biodiversity for a Livable Climate en partenariat avec Life Saves the Planet. En ligne : youtube.com/watch?v=t3rIkYUVq5c. 

Kravčík, M., et collab. (2007). Water for the Recovery of the Climate – A New Water Paradigm. Krupa Print, Žilina, 94 p. 

Kučerová, A., et collab. (2001). « Evapotranspiration of small-scale constructed wetlands planted with ligneous species ». Dans : Vymazal, J. (dir.), Transformations of nutrients in natural and constricted wetlands, Backhuys, p. 413-427. 

Schwartz, J. (2018). Climate Opportunities in Plain Sight: The Role of Water [Communication orale]. Symposium à l’Université Concordia, à Montréal : Living Soils Symposium. En ligne : youtube.com/watch?v=YFS0aOayNgs&t=1040s.