Vidéo: La financiarisation de l’eau – Une dérive incontrôlable | Vire au vert

Vidéo: La financiarisation de l'eau - une dérive incontrôlable | Vire au vert

10 septembre 2022

Tout comme la crise écologique, qui caractérise le déclin accéléré de la biodiversité, la crise climatique impacte directement la disponibilité des ressources en eau. Ces deux crises ont une conséquence commune : la raréfaction des ressources disponibles et des services écosystémiques. La prise de conscience de cette raréfaction amène les intérêts économiques et financiers à se ruer sur les ressources naturelles restantes, qui se transforment inéluctablement en des produits de spéculation.  L’eau n’échappe pas à cette règle, avec son introduction à la bourse de Chicago en décembre 2020. 

François L’Italien, chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), nous explique que la financiarisation met la finance au cœur de la vie économique de toutes les sociétés du monde. Cette perspective est portée à la fois par des acteurs du secteur public, par le biais de politiques, mais également par des acteurs privés, qui proviennent du secteur bancaire et financier. Ces derniers ont intensifié la quête du rendement dans une courte période de temps, et ont transformé en des produits financiers cotés en bourse les marchés de commodité de biens, de services, ainsi que les ressources naturelles. Depuis la crise financière de 2008, les investisseurs s’intéressent aux actifs tangibles. Il s’agit des infrastructures portuaires et aéroportuaires, du transport, des terres forestières et agricoles, des biens agroalimentaires et bien sûr, des ressources naturelles et de l’eau. 

Or, spéculer sur les ressources naturelles et l’eau, c’est parier sur leur disponibilité dans l’avenir. Ce pari se fait par le biais de la lecture de la conjoncture du présent. Avec la raréfaction des ces ressources, on doit donc s’attendre à voir leur prix revu incessamment à la hausse. C’est aussi l’effet pervers de la financiarisation qui vient intensifier et accélérer le processus de raréfaction. Cette dynamique ne bénéficie pas à toutes les parties, mais uniquement aux élites financières mondiales qui tirent avantage de cette rareté au détriment des populations locales

L’exemple le plus éloquent est celui de la Californie. Ses activités soutenues pendant des décennies dans un contexte de changements climatiques l’ont conduit aujourd’hui à une situation de pénurie d’eau. En privatisant son approvisionnement en eau, l’État californien a octroyé la régulation de la question de l’allocation de la richesse au secteur privé et aux aléas des contrats d’approvisionnement entre un vendeur et un acheteur. 

Le risque d’une telle privatisation de notre réserve d’eau au Québec est faible assure François L’italien puisque nous avons décidé collectivement que celle-ci était un bien commun et non marchand. Toutefois, il avertit qu’il faut rester aux aguets puisque le risque peut toujours venir des investissements privés notamment dans les services reliés au traitement et à la distribution de l’eau, et que ces investisseurs pourraient éventuellement se mêler du prix et des modalités d’allocation de l’eau. 

La stratégie de financiarisation de l’économie et la valorisation du rendement des ressources naturelles à court terme est incompatible avec la préservation de la vie sur terre. Le secteur privé pense que la nature et ses services écosystémiques ont une valeur intrinsèque cachée, qu’il faut rendre visible grâce à sa financiarisation, pour la protéger. Or, ce qui rend intéressant les actifs qui intègrent la bourse pour les investisseurs, ce n’est plus leur valeur intrinsèque mais bien  leur valeur monétaire. C’est au secteur public de recadrer les pratiques du secteur privé et par le fait même, d’assurer un accès perpétuel pour ses citoyen(ne)s aux ressources naturelles, surtout l’eau.

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