LEVONS LE SECRET (1)

Accès aux données sur l’eau: Saint-Élie-de-Caxton adopte une résolution pour demander plus de transparence

25 septembre 2022

Le 6 septembre dernier, la municipalité de Saint-Élie-de-Caxton a adopté une résolution demandant au gouvernement du Québec de prioriser une gestion durable et transparente de l’eau en modifiant le cadre juridique de manière à conférer explicitement un caractère public aux données relatives à tous les prélèvements d’eau
déclarés au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Consultez le procès verbal du conseil municipal de Saint-Élie-de-Caxton en cliquant ici…

La municipalité joint sa voix à celles des 23 municipalités de la MRC Vaudreuil-Soulange qui a adopté une résolution similaire en août dernier. 

Rappelons qu’au Québec, la gestion durable de l’eau repose sur une approche intégrée et participative qui ne peut être mise en œuvre de manière efficace sans l’accès du public à ces données importantes. Dans le contexte actuel, le public est empêché de connaître notamment les effets cumulatifs de ces prélèvements sur la ressource.

D’ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, le 1er juin dernier, une motion rappelant que «la gestion durable de l’eau repose sur la transparence» et invitant à une réflexion sur une modification du cadre juridique pour que les informations sur les quantités d’eau prélevées aient un caractère public.

Aidez-nous à rappeler au gouvernement cet engagement pré-électoral pour qu’il le concrétise dans les plus brefs délais. Envoyez le modèle de résolution préparé par le Centre québécois du droit de l’environnement à votre élu(e) municipal dès maintenant afin que votre municipalité prenne position pour plus de transparence dans la gestion de l’eau. 

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Vidéo: L’accès public à nos plans d’eau | Vire au vert

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23 septembre 2022

Le Québec regorge de plans d’eau! Cependant, comment se fait-il que la population ait de plus en plus de difficulté à y accéder? André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières, explique que plus on s’approche des grands centres, plus il est difficile de trouver un accès public à un plan d’eau. Il faut savoir que les plans d’eau et leurs berges sont publics, et donc théoriquement accessibles à toutes et tous, mais le paradoxe se trouve dans la possibilité de restreindre l’accès en privatisant tous les terrains autour de l’étendue d’eau. Cette situation fait en sorte que la majorité des accès sont devenus privés, là exactement, où se trouvent la majorité des personnes désirant accéder à l’eau. Ce phénomène est parfois déclenché par un désir de protection des plans d’eau par des municipalités qui voient l’affluence augmenter. L’objectif est souvent de protéger les écosystèmes et de favoriser l’accès à leur résidants. 

Une problématique complexe

Or, selon M. Bélanger, la situation est d’autant plus complexe puisqu’on ne peut plus simplement rouvrir ces accès-là de manière débridée étant donné que le cadre législatif actuel n’est pas à jour. Présentement, il n’y a aucune réglementation qui limite la vitesse des bateaux, qui limite le nombre de bateaux ou qui vise à réduire l’impact sur l’environnement des embarcations. Il faut donc s’attaquer à ce renouvellement du cadre législatif tout en travaillant à améliorer les accès publics aux plans d’eau. 

Ceci passe inévitablement par un recadrage du débat public selon la Fondation Rivières. Par exemple, M. Bélanger explique qu’il faut voir une rivière comme on voit les rues d’aujourd’hui en ville: une zone protégée pour les piétons, une zone pour les vélos et une zone pour les autos. Appliqué à une rivière, nous aurions une zone pour les nageurs, une zone pour les embarcations légères et une autre pour les bateaux à moteur. Comment y arriver? Afin que cette cohabitation soit possible et que le partage des cours d’eau soit amélioré, il faut changer les lois au niveau fédéral et provincial. Ces changements devront obligatoirement prendre en compte les impacts des activités sur la qualité de l’eau précise M. Bélanger. Plusieurs activités, qui ne sont actuellement pas réglementées, ont de graves impacts sur la santé des plans d’eau. On peut penser notamment aux bateaux pour faire du wakeboard qui créent de grosses vagues artificielles et qui peuvent accélérer dangereusement l’érosion des berges s’ils ne restent pas au centre du cours d’eau. Cette érosion à des conséquences désastreuses menant à la libération de phosphore, la création d’algues bleues et éventuellement au vieillissement prématuré du lac. 

L’eau est-elle assez propre pour se baigner?

La qualité des plans d’eau du Québec s’est grandement améliorée depuis les 40 dernières années, au point où M. Bélanger affirme que c’est un mythe cette idée de cours d’eau impropres à la baignade! Le Québec s’est massivement doté de services d’assainissement des eaux qui ont grandement amélioré la qualité des milieux hydriques. Ce qui fait qu’à beaucoup d’endroits, l’eau est de très bonne qualité, pendant l’été. D’ailleurs, la Fondation Rivières suit la qualité de l’eau dans 51 lieux autour de Montréal depuis 20 ans et à trouvé qu’à 50 de ces endroits, l’eau est toujours bonne pour la baignade! À l’automne et au printemps c’est moins sûr puisque la principale source de contamination vient des déversements d’eau usés. L’eau est de meilleure qualité qu’on ne le croit, il faut se la réapproprier. 

Comment bonifier l’accès public aux plans d’eau? 

Pour les municipalités désirant ouvrir des accès pour la baignade, la première étape est de faire une évaluation de la baignabilité, soit de regarder s’il y a des risques, s’il y a un potentiel et quels seraient les protocoles pour la population. La Fondation Rivières accompagne d’ailleurs plusieurs municipalités dans ce processus. 

Du côté de la population, pour faire pression auprès des gouvernements, on peut organiser ou participer au Grand Splash. Ces événements de réappropriation de nos cours d’eau servent à envoyer un message clair au gouvernement du Québec et, par le fait même, à mobiliser les municipalités pour qu’elles s’engagent également à lutter pour améliorer l’accès aux plans d’eau. 

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Vidéo: L’importance des milieux naturels dans le cycle de l’eau | Vire au vert

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20 septembre 2022

Les milieux naturels jouent un rôle crucial dans la protection de nos réserves d’eau douce et donc de l’accès à l’eau potable au Québec. Comme on le dit souvent, tout est lié, et ceci est particulièrement vrai lorsqu’on regarde comment les milieux naturels sont liés au cycle de l’eau. Pourquoi, alors, voit-on disparaître encore et encore ces milieux si essentiels? 

Qu’est-ce que le cycle de l’eau? C’est le mouvement de l’eau qui s’effectue à l’échelle planétaire tout comme à l’échelle régionale. Ce cycle se divise en quatre grandes phases. Tout d’abord, il y a l’évaporation de l’eau de surface vers sa forme gazeuse qui, ensuite, créera de la condensation formant ainsi les nuages. Cette eau retourne éventuellement au sol sous forme de pluie ou de neige lors de la 3e phase: la précipitation. Une fois l'eau revenue au sol, il y a soit infiltration vers les nappes phréatiques ou ruissellement, par exemple, lorsque que l’eau atterrit sur des surfaces imperméables comme le béton, l'asphalte, les infrastructures, etc. Dans ce dernier cas, l’eau rejoindra éventuellement un cours d’eau, puis finira sa course dans la mer. 

Selon Olivier Kölmel, chargé de la campagne forêts et porte-parole chez Greenpeace Canada, nos lois ne sont pas suffisamment à jour pour permettre une protection adéquate de nos milieux naturels et de la biodiversité. Sachant que 25% des milieux naturels du monde se trouvent au Canada, nous avons un devoir et une responsabilité de protéger ces espaces pour assurer le maintien de la biodiversité et du cycle de l’eau. 

Vu leur importance pour la survie de toutes les espèces de la Terre, incluant l’humain, pourquoi tardons-nous à protéger de plus grandes portions du territoire québécois? M. Kölmel nous rappelle que nous avons tendance à nous écarter de la nature. Nous excluons l’humain de notre conception de la nature alors que nous en faisons partie et en dépendons directement pour assurer notre survie – non pas d’un point de vue d’exploitation des ressources, mais d’un point de vue de partie prenante de la biodiversité. 

Il ajoute ensuite que notre exploitation des ressources a dépassé les limites de la nature. Plutôt que de voir la nature comme un ensemble de fonctions interconnectées, nous fragmentons notre relation avec celle-ci. Un exemple concret serait notre manière d’exploiter les forêts au Canada. En coupant sans cesse et plus rapidement nos forêts, celles-ci se rajeunissent. Avant elles pouvaient atteindre 200 à 400 ans d’âge, mais maintenant, elles sont coupées à 40-50 ans et on limite les repousses aux 2 ou 3 essences que nous jugeons importantes commercialement. En plus de la perte directe de biodiversité engendrée par cette méthode, nous voyons apparaître des conséquences plus subtiles. Le caribou forestier ne peut se nourrir adéquatement que dans des forêts âgées de plus de 50 ans. En privant cette espèce emblématique de sa source idéale de nourriture, nous le vouons à disparaître 

En perdant toute cette biodiversité, nous perdons également la capacité de rétention d’eau de ces milieux naturels qui servent de zones tampons. Et les conséquences sont importantes. Entre 2017 et 2019, 314 municipalités ont été impactées par des inondations dont les coûts sont énormes, autant financiers que pour la santé et la sécurité de la population. 

Plusieurs solutions existent déjà pour réduire le ruissellement: plates-bandes récoltrices, barils de récupération d’eau de pluie, surfaces urbaines perméables qui permettent l’infiltration des eaux, etc. Ces infrastructures naturelles sont de plus en plus déployées dans les villes du Québec, mais M. Kölmel rappelle qu’il faut également revoir notre conception des infrastructures et considérer les infrastructures dites vertes comme des investissements plutôt qu’un coût pour la société. Un arbre, en grandissant, crée de la valeur. C’est tout le contraire pour les infrastructures grises, telles que les routes, qui ne font que se dégrader et nécessitent d’être continuellement réparées et entretenues. 

Il ajoute qu’il faut également revoir notre connexion à la nature et aux forêts où l’on trouve 80% de la vie terrestre. Les communautés locales et autochtones sont ainsi indispensables pour nous partager leurs savoirs et connaissances du territoire! Plusieurs groupes à la grandeur du Québec s’organisent pour la protection de leurs milieux naturels. Leurs préoccupations sont importantes pour l’ensemble de la collectivité, il faut absolument les écouter! 

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Vidéo: La gestion municipale des eaux | Vire au vert

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13 septembre 2022

Les infrastructures de gestion de l’eau au Québec ont besoin urgemment d’investissements majeurs pour limiter les risques de défaillance pour s’adapter aux aux besoins des municipalités – une discussion avec Mathieu Laneuville, président-directeur général de Réseau Environnement

M. Laneuville souligne d’entrée de jeu que nous sommes chanceux au Québec de compter 190 milliards en infrastructures municipales, un des plus grand patrimoine public de la province. Cependant, les infrastructures de gestion de l’eau accusent un retard d’investissements de 35 milliards, soit un déficit de 18%. Rappelons que l’eau est une ressource collective gérée par les municipalités grâce au financement du gouvernement provincial. M. Laneuville explique que c’est LE plus grand enjeu des municipalités quant à la gestion de l’eau au Québec puisque ce manquement mène à des risques élevés ou très élevés de défaillance. 

Certaines des conséquences de ces défaillances sont bien connues et font souvent les manchettes, notamment, les surverses et les bris d’aqueducs qui ont des impacts directs sur l’environnement. Cependant, on peut également penser aux mises à niveau nécessaires pour le traitement des eaux usées. Beaucoup de nos infrastructures ont été conçues avant qu’il y ait une prise de conscience collective sur les nouvelles problématiques comme les microplastiques et les perturbateurs endocriniens. Des investissements sont donc nécessaires pour continuer de protéger la santé de la population et l’intégrité de l’environnement. 

Malgré les lacunes identifiées en financement des infrastructures, il est important de souligner que notre eau potable est d’excellente qualité dans tous les réseaux municipaux de la province. Les équipes municipales travaillent très fort pour assurer une qualité de l’eau hors-norme et qui remporte d’ailleurs des prix internationaux pour sa qualité. 

Une des solutions qui permet de diminuer la pression sur les infrastructures municipales est celle de l’économie de l’eau potable, à la maison, dans les industries et les commerces. En évitant la surconsommation d’eau potable, on évite de construire de nouvelles infrastructures de traitement d’eau potable, de sa distribution et de la collecte des eaux usées, mais également de les entretenir par la suite. 

Le gouvernement du Québec doit augmenter le financement des infrastructures municipales afin de permettre la mise à niveau des infrastructures déficitaires. Selon M. Laneuville, une étude effectuée en partenariat avec HEC Montréal a démontré que chaque dollar investi dans les infrastructures en eau a un retour sur investissement de 1,72 $. C’est donc rentable d’investir dans nos infrastructures en plus d’être bon pour l’environnement ainsi que pour la santé humaine.

Dans un contexte de changements climatiques, il est urgent de mettre à niveau nos infrastructures d’eau afin d’assurer un accès continu à l’eau potable et aux services d’assainissement pour l’ensemble de la population. Ceci devrait être une priorité de nos gouvernements et une mesure centrale dans notre plan d’adaptation à la crise climatique.

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Vidéo: La financiarisation de l’eau – Une dérive incontrôlable | Vire au vert

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10 septembre 2022

Tout comme la crise écologique, qui caractérise le déclin accéléré de la biodiversité, la crise climatique impacte directement la disponibilité des ressources en eau. Ces deux crises ont une conséquence commune : la raréfaction des ressources disponibles et des services écosystémiques. La prise de conscience de cette raréfaction amène les intérêts économiques et financiers à se ruer sur les ressources naturelles restantes, qui se transforment inéluctablement en des produits de spéculation.  L’eau n’échappe pas à cette règle, avec son introduction à la bourse de Chicago en décembre 2020. 

François L’Italien, chercheur à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), nous explique que la financiarisation met la finance au cœur de la vie économique de toutes les sociétés du monde. Cette perspective est portée à la fois par des acteurs du secteur public, par le biais de politiques, mais également par des acteurs privés, qui proviennent du secteur bancaire et financier. Ces derniers ont intensifié la quête du rendement dans une courte période de temps, et ont transformé en des produits financiers cotés en bourse les marchés de commodité de biens, de services, ainsi que les ressources naturelles. Depuis la crise financière de 2008, les investisseurs s’intéressent aux actifs tangibles. Il s’agit des infrastructures portuaires et aéroportuaires, du transport, des terres forestières et agricoles, des biens agroalimentaires et bien sûr, des ressources naturelles et de l’eau. 

Or, spéculer sur les ressources naturelles et l’eau, c’est parier sur leur disponibilité dans l’avenir. Ce pari se fait par le biais de la lecture de la conjoncture du présent. Avec la raréfaction des ces ressources, on doit donc s’attendre à voir leur prix revu incessamment à la hausse. C’est aussi l’effet pervers de la financiarisation qui vient intensifier et accélérer le processus de raréfaction. Cette dynamique ne bénéficie pas à toutes les parties, mais uniquement aux élites financières mondiales qui tirent avantage de cette rareté au détriment des populations locales

L’exemple le plus éloquent est celui de la Californie. Ses activités soutenues pendant des décennies dans un contexte de changements climatiques l’ont conduit aujourd’hui à une situation de pénurie d’eau. En privatisant son approvisionnement en eau, l’État californien a octroyé la régulation de la question de l’allocation de la richesse au secteur privé et aux aléas des contrats d’approvisionnement entre un vendeur et un acheteur. 

Le risque d’une telle privatisation de notre réserve d’eau au Québec est faible assure François L’italien puisque nous avons décidé collectivement que celle-ci était un bien commun et non marchand. Toutefois, il avertit qu’il faut rester aux aguets puisque le risque peut toujours venir des investissements privés notamment dans les services reliés au traitement et à la distribution de l’eau, et que ces investisseurs pourraient éventuellement se mêler du prix et des modalités d’allocation de l’eau. 

La stratégie de financiarisation de l’économie et la valorisation du rendement des ressources naturelles à court terme est incompatible avec la préservation de la vie sur terre. Le secteur privé pense que la nature et ses services écosystémiques ont une valeur intrinsèque cachée, qu’il faut rendre visible grâce à sa financiarisation, pour la protéger. Or, ce qui rend intéressant les actifs qui intègrent la bourse pour les investisseurs, ce n’est plus leur valeur intrinsèque mais bien  leur valeur monétaire. C’est au secteur public de recadrer les pratiques du secteur privé et par le fait même, d’assurer un accès perpétuel pour ses citoyen(ne)s aux ressources naturelles, surtout l’eau.

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Vidéo: L’eau et l’agriculture de proximité | Vire au vert

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9 septembre 2022

À l’opposé de l’industrie des mégaporcheries, l’agriculture de proximité a traversé haut la main la crise pandémique, en démontrant qu’elle renforce davantage la souveraineté alimentaire en temps de rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales. Toutefois, et dans un contexte de crise climatique et de raréfaction des ressources en eau, cette agriculture n’échappe pas aux défis du partage de l’eau. 

Émilie Viau-Drouin, fermière, présidente de la Coopérative pour l’Agriculture de Proximité Écologique (la CAPÉ), et dirigeante de la micro-ferme biologique Les jardins de la grelinette, de Maude-Hélène Desroches et Jean-Martin Fortier, nous explique que ce qui définit l’agriculture de proximité est la mise en marché, c’est-à-dire la vente directe aux consommateurs, grâce aux paniers biologiques, au réseau des fermiers de famille, aux marchés publics, et aux épiceries du village. Contrairement à l’agro-industrie, l’agriculture biologique a comme valeur le souci de la protection de l’environnement. 

La micro-ferme privilégie un modèle de production bio-intensif, sur une petite superficie de seulement un hectare. Ce type d’agriculture ne demeure pas moins productif, puisqu’il permet d’alimenter plus de 300 familles. La production privilégie le rapprochement des planches et l’intensification de celles-ci, en plantant par exemple 6 rangs de carottes sur une planche plutôt que 3. Par ailleurs, l’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides ni d’insecticides. Cela évite le relargage de produits chimiques dans les sols, les cours d’eau, les lacs et les rivières, et permet de préserver la qualité des milieux terrestres et aquatiques et leur biodiversité. Ce type de production ne demeure pas moins productif, puisqu’il permet d’alimenter plus de 300 familles. 

Un autre aspect auquel les fermes maraîchères portent une attention particulière est celui de l’économie d’eau. En effet, la production maraîchère a besoin d’environ un pouce d’eau au sol par semaine pour l’irrigation des légumes afin qu’ils puissent avoir une croissance régulière. La ferme les jardins de la grelinette combine quelques techniques simples, afin de permettre une irrigation optimale et la préservation des ressources en eau, en fonction de la pluie reçue.

La première technique est l’utilisation dans le champ d’un pluviomètre. C’est un récipient gradué qui mesure le volume de pluie tombée dans un lieu pendant un temps donné. Cela permet aux fermiers de savoir à quel moment ils doivent irriguer. La deuxième technique est de toucher le sol pour sentir son humidité. La troisième technique utilise les toiles géotextiles pour couvrir les planches, ce qui protège le sol contre les érosions du vent et du soleil, et retient son humidité plus longtemps. La quatrième technique déploie un système d’arrosage de goutte-à-goutte sous les toiles géotextiles, à la surface du sol. C’est un dispositif d’irrigation de surface, composé de tuyaux de plastique perforés dans lesquels l’eau circule, permettant une irrigation régulière et à très faible débit.  

Malgré ces nombreuses techniques déployées pour minimiser l’utilisation d’eau, l’agriculture biologique n’échappe pas aux pénuries d’eau et aux sécheresses qui frappent le sud du Québec depuis plusieurs années. Ce stress hydrique affecte la croissance des légumes et parfois cause leur perte, mais cause également un stress chez les maraîchers. Dans leurs derniers rapports publiés en 2022, les groupes scientifiques comme le GIEC* et Ouranos* ont qualifié le stress hydrique comme une conséquence des changements climatiques, tout en rappelant qu’il est en voie de devenir plus fréquent et plus intense. Ces deux groupes pressent les pouvoirs politiques d’accélérer les mesures d’adaptation. 

L’alimentation locale du Québec est devenue très vulnérable face au stress hydrique causé par les changements climatiques. Le manque d’eau, qui était considéré comme une exception au Québec il y a quelques années, est en train de devenir la règle.  Or, comme l’eau est indispensable à la production maraîchère, et que les Québécois ont exprimé leur volonté de bonifier leur souveraineté alimentaire, grâce à des produits locaux, le gouvernement du Québec doit repenser les politiques de gestion des ressources hydriques guidées par la science et les données probantes, et qui tiennent compte du stress hydrique actuel et à venir. Ces politiques, pensent les maraîchers, doivent prioriser les secteurs d’industrie qui doivent accéder en premier lieu à l’eau, comme l’agriculture maraîchère, dans le but de renforcer la souveraineté alimentaire.  

* GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat 

* Ouranos : Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques

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Vidéo: L’industrie porcine au Québec et son impact sur l’eau | Vire au vert

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6 septembre 2022

L’industrie des mégaporcheries au Québec a pris une telle ampleur au courant des deux dernières décennies, que ses impacts économiques et environnementaux, notamment sur les cours d’eau, se font de plus en plus sentir.  

Le modèle des fermes mégaporcheries est dénoncé par la société civile et les organismes, comme la coalition Mégaporcherie NON merci! qui considèrent que ce type d’industrie n’est pas durable, d’autant plus dans un contexte de changements climatiques. 

Il s’agit d’un type d’élevage très intensif. Une mégaporcherie est un grand bâtiment fermé, dans lequel sont engraissés jusqu’à 4000 porcs, dans un espace très restreint. Une telle industrie, pour l’alimentation des porcs, nécessite l’utilisation de grandes superficies de terres agricoles en monocultures et de quantités conséquentes de pesticides et insecticides, ce qui a des impacts sur la qualité des eaux des rivières. 

Cette industrie a également un impact sur la disponibilité en eau, puisqu’un porc requiert un volume d’eau quotidien variant entre 4,5 et 9 L d’eau. Ce volume peut monter jusqu’à 20 L pour une truite en gestation ou qui allaite. Cela revient à dire qu’une mégaporcherie nécessite un volume d’eau quotidien d’au moins 20.000 L. 

À cela, s’ajoutent les conséquences de l’étalement du lisier dans les champs agricoles destinés à produire l’alimentation des porcs. Le lisier est un effluent mélangé d’eau, d’excréments et d’urine de porc. Lorsque des fortes pluies surviennent, une partie du lisier se retrouve dans les cours d’eau, causant l’eutrophisation des milieux terrestres et aquatiques en phosphore et en nitrates, ce qui est par exemple à l’origine des cyanobactéries dans des lacs.

L’industrie des mégaporcheries a connu une telle croissance qu’on compte aujourd’hui 7,1 millions de porcs produits annuellement, presque autant que le nombre d’habitants. Cela s’explique par le fait que l’industrie porcine au Québec n’a toujours pas de quota, et est concentrée entre les mains de quelques grands entrepreneurs de l’agro-industrie appelés des intégrateurs, qui contrôlent le processus de la naissance à l’assiette. En effet, le nombre de fermes a baissé entre 2006 et 2020, passant de 2454 à 1700, alors que celui des porcs produits a augmenté, pour atteindre en moyenne 4000 porcs par ferme. 

La production porcine est répartie entre quatre principales régions : 49 % des porcs sont produits en Chaudière-Appalaches, 20 % en Montérégie, 11% au Centre-du-Québec, et 7 % en Estrie. Elle dépend des marchés extérieurs, puisque 70% est destinée à l’exportation, principalement en Asie, dont 55 % en Chine. Comparativement en dollars, le Québec exporte 4 fois moins de sirop d’érable que de porcs. 

Parmi les solutions possibles avancées par la coalition Mégaporcheries non merci!  pour améliorer l’agriculture : 

  • Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) doit mettre davantage de moyens dans la surveillance des bandes riveraines. Nous rappelons qu’une bande riveraine est une bande végétalisée naturelle d’une largeur minimale de 10 à 15 mètres, se trouvant entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, donc le long des cours d’eau, des lacs et rivières, dans le but de capter les pesticides, insecticides, et matières fertilisantes, de préserver la qualité des eaux naturelles en éviter la contamination dans les cours d’eau. 
  • Les producteurs de l’alimentation pour le bétail doivent favoriser le fumier solide par rapport au lisier, car cela permettrait d’engraisser les sols en évitant les écoulements.

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Vidéo: La gouvernance de l’eau au Québec | Vire au vert

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2 septembre 2022

L’année 2022 marque le vingtième anniversaire de la première Politique nationale de l’eau (PNE), adoptée par le gouvernement du Québec en 2002. Cette politique devait permettre au Québec de mieux gérer et protéger ses ressources en eau. Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), le Québec compte environ 3,6 millions de plans d’eau douce, quelques dizaines de milliers de rivières, en plus du fleuve Saint-Laurent. L’ensemble de ces ressources couvre une superficie d’environ 22 % des 1 667 712 km2 du territoire québécois, ce qui représente 3 % des réserves en eau douce renouvelables de la planète.  

Nous pouvons retenir deux aspects de la PNE. Le premier est celui de la gestion intégrée de la ressource en eau qui devait permettre aux trois parties prenantes de prendre de façon concertée des décisions pour gérer l’eau. Ces parties dont il est question sont, tout d’abord le gouvernement provincial et ses différents paliers, c’est-à-dire ses municipalités et MRC, il y a ensuite les chaires de recherche qui collectent les connaissances relatives à la gestion de l’eau, et enfin, tous les utilisateurs de l’eau, comme les citoyens, les municipalités, les institutions et les industries, qui ont besoin d’un accès quotidien à la ressource en eau, et qui ont une incidence sur sa qualité et sur les quantités prélevées. Le deuxième aspect de la PNE est celui de la gestion de l’eau par bassin versant. Elle permet d’identifier les activités en amont d’un bassin, et de comprendre les conséquences de celles-ci sur son aval.

Eau Secours, un OBNL qui a pour mission de promouvoir la protection et la gestion responsable des ressources hydriques au Québec, dans une perspective de santé environnementale et de pérennité, mais également d’équité et d’accessibilité, s’intéresse particulièrement à la gouvernance de l’eau et à l’atteinte des objectifs de la PNE. L’organisme a révélé deux grandes lacunes dans la gouvernance de l’eau au Québec. 

La première lacune est le manque de transparence voulu par le gouvernement du Québec sur les quantités d’eau qui sont prélevées. En effet, en 2018, Eau Secours a fait une demande d’accès aux données sur les quantités d’eau prélevées par les grands embouteilleurs au Québec. La commission d’accès à l’information n’a pas donné une suite favorable à cette requête, au prétexte que ces données relèvent du secret commercial. Eau Secours a contesté cette décision auprès des tribunaux, en se basant sur la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau, adoptée en 2009, qui prévoit le principe de transparence et de participation du public, et par conséquent, rendrait l’information publique sur les quantités d’eau prélevées. Malgré cette Loi, la Cour du Québec a confirmé la décision de la commission d’accès à l’information. Me Marc Bishai, qui est avocat au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), et qui a représenté Eau Secours dans cette affaire, nous explique que les tribunaux ont décidé que le secret commercial a préséance sur le principe de la transparence évoqué dans la Loi. Me Bishai ajoute que les quantités d’eau prélevées par les grands préleveurs sont déjà déclarées au MELCC, et qu’il revient donc au gouvernement de modifier le cadre juridique pour explicitement prévoir que les informations sur le prélèvement d’eau par les embouteilleurs ont un caractère public, afin que les citoyens puissent participer intelligemment aux décisions sur la gestion de l’eau. 

La deuxième lacune relevée par Eau Secours dans la PNE est relative aux redevances très faibles perçues par le gouvernement provincial de la part des grands préleveurs d’eau au Québec, comme les industries, les commerces et certaines institutions, pour les quantités d’eau qu’ils puisent dans l’environnement. Le gouvernement du Québec a mis en place deux tarifications unitaires constantes, peu importe le volume d’eau prélevé, tout en permettant aux préleveurs de puiser quotidiennement 75 000 L d’eau gratuitement. La première est une tarification pour l’ensemble des utilisations : elle est de 0,25 cent pour 1000 litres d’eau prélevés. La deuxième tarification est relative à certains secteurs spécifiques, dont l’embouteillage d’eau : elle est de 7 sous pour 1000 litres d’eau prélevés. Par exemple, une compagnie comme Nestlé ou Coca-Cola, qui embouteillent de l’eau, paieraient 7 cents pour produire 1000 bouteilles d’eau. Si ces bouteilles sont vendues à 1 $ le litre d’eau, ces compagnies percevraient 1000 $ de vente en ayant payé seulement 7 cents de redevance. 

Dans un contexte de changement climatique, la raréfaction des ressources hydriques de ces dernières années à travers le monde se transforme progressivement aujourd’hui en une pénurie d’eau. En effet, de nombreuses municipalités au Québec ont fait face à des pénuries d’eau durant les étés 2021 et 2022. Dès lors, le gouvernement du Québec doit impérativement mieux préserver les ressources en eau. Concrètement, le gouvernement doit revoir à la hausse les tarifs demandés aux grands préleveurs d’eau, réduire la quantité d’eau gratuite quotidienne qui peut être prélevée, ou la supprimer, et de finalement rendre obligatoire la déclaration des quantités d’eau qui sont prélevées sur le territoire dans tous les secteurs d’activités, tout en rendant l’accès à ces données publiques en tout temps, pour les fins utiles d’une meilleure gouvernance de la ressource en eau.

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