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Vidéo: L’eau et l’agriculture de proximité | Vire au vert

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9 septembre 2022

À l’opposé de l’industrie des mégaporcheries, l’agriculture de proximité a traversé haut la main la crise pandémique, en démontrant qu’elle renforce davantage la souveraineté alimentaire en temps de rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales. Toutefois, et dans un contexte de crise climatique et de raréfaction des ressources en eau, cette agriculture n’échappe pas aux défis du partage de l’eau. 

Émilie Viau-Drouin, fermière, présidente de la Coopérative pour l’Agriculture de Proximité Écologique (la CAPÉ), et dirigeante de la micro-ferme biologique Les jardins de la grelinette, de Maude-Hélène Desroches et Jean-Martin Fortier, nous explique que ce qui définit l’agriculture de proximité est la mise en marché, c’est-à-dire la vente directe aux consommateurs, grâce aux paniers biologiques, au réseau des fermiers de famille, aux marchés publics, et aux épiceries du village. Contrairement à l’agro-industrie, l’agriculture biologique a comme valeur le souci de la protection de l’environnement. 

La micro-ferme privilégie un modèle de production bio-intensif, sur une petite superficie de seulement un hectare. Ce type d’agriculture ne demeure pas moins productif, puisqu’il permet d’alimenter plus de 300 familles. La production privilégie le rapprochement des planches et l’intensification de celles-ci, en plantant par exemple 6 rangs de carottes sur une planche plutôt que 3. Par ailleurs, l’agriculture biologique n’utilise pas de pesticides ni d’insecticides. Cela évite le relargage de produits chimiques dans les sols, les cours d’eau, les lacs et les rivières, et permet de préserver la qualité des milieux terrestres et aquatiques et leur biodiversité. Ce type de production ne demeure pas moins productif, puisqu’il permet d’alimenter plus de 300 familles. 

Un autre aspect auquel les fermes maraîchères portent une attention particulière est celui de l’économie d’eau. En effet, la production maraîchère a besoin d’environ un pouce d’eau au sol par semaine pour l’irrigation des légumes afin qu’ils puissent avoir une croissance régulière. La ferme les jardins de la grelinette combine quelques techniques simples, afin de permettre une irrigation optimale et la préservation des ressources en eau, en fonction de la pluie reçue.

La première technique est l’utilisation dans le champ d’un pluviomètre. C’est un récipient gradué qui mesure le volume de pluie tombée dans un lieu pendant un temps donné. Cela permet aux fermiers de savoir à quel moment ils doivent irriguer. La deuxième technique est de toucher le sol pour sentir son humidité. La troisième technique utilise les toiles géotextiles pour couvrir les planches, ce qui protège le sol contre les érosions du vent et du soleil, et retient son humidité plus longtemps. La quatrième technique déploie un système d’arrosage de goutte-à-goutte sous les toiles géotextiles, à la surface du sol. C’est un dispositif d’irrigation de surface, composé de tuyaux de plastique perforés dans lesquels l’eau circule, permettant une irrigation régulière et à très faible débit.  

Malgré ces nombreuses techniques déployées pour minimiser l’utilisation d’eau, l’agriculture biologique n’échappe pas aux pénuries d’eau et aux sécheresses qui frappent le sud du Québec depuis plusieurs années. Ce stress hydrique affecte la croissance des légumes et parfois cause leur perte, mais cause également un stress chez les maraîchers. Dans leurs derniers rapports publiés en 2022, les groupes scientifiques comme le GIEC* et Ouranos* ont qualifié le stress hydrique comme une conséquence des changements climatiques, tout en rappelant qu’il est en voie de devenir plus fréquent et plus intense. Ces deux groupes pressent les pouvoirs politiques d’accélérer les mesures d’adaptation. 

L’alimentation locale du Québec est devenue très vulnérable face au stress hydrique causé par les changements climatiques. Le manque d’eau, qui était considéré comme une exception au Québec il y a quelques années, est en train de devenir la règle.  Or, comme l’eau est indispensable à la production maraîchère, et que les Québécois ont exprimé leur volonté de bonifier leur souveraineté alimentaire, grâce à des produits locaux, le gouvernement du Québec doit repenser les politiques de gestion des ressources hydriques guidées par la science et les données probantes, et qui tiennent compte du stress hydrique actuel et à venir. Ces politiques, pensent les maraîchers, doivent prioriser les secteurs d’industrie qui doivent accéder en premier lieu à l’eau, comme l’agriculture maraîchère, dans le but de renforcer la souveraineté alimentaire.  

* GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat 

* Ouranos : Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques

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Vidéo: L’industrie porcine au Québec et son impact sur l’eau | Vire au vert

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6 septembre 2022

L’industrie des mégaporcheries au Québec a pris une telle ampleur au courant des deux dernières décennies, que ses impacts économiques et environnementaux, notamment sur les cours d’eau, se font de plus en plus sentir.  

Le modèle des fermes mégaporcheries est dénoncé par la société civile et les organismes, comme la coalition Mégaporcherie NON merci! qui considèrent que ce type d’industrie n’est pas durable, d’autant plus dans un contexte de changements climatiques. 

Il s’agit d’un type d’élevage très intensif. Une mégaporcherie est un grand bâtiment fermé, dans lequel sont engraissés jusqu’à 4000 porcs, dans un espace très restreint. Une telle industrie, pour l’alimentation des porcs, nécessite l’utilisation de grandes superficies de terres agricoles en monocultures et de quantités conséquentes de pesticides et insecticides, ce qui a des impacts sur la qualité des eaux des rivières. 

Cette industrie a également un impact sur la disponibilité en eau, puisqu’un porc requiert un volume d’eau quotidien variant entre 4,5 et 9 L d’eau. Ce volume peut monter jusqu’à 20 L pour une truite en gestation ou qui allaite. Cela revient à dire qu’une mégaporcherie nécessite un volume d’eau quotidien d’au moins 20.000 L. 

À cela, s’ajoutent les conséquences de l’étalement du lisier dans les champs agricoles destinés à produire l’alimentation des porcs. Le lisier est un effluent mélangé d’eau, d’excréments et d’urine de porc. Lorsque des fortes pluies surviennent, une partie du lisier se retrouve dans les cours d’eau, causant l’eutrophisation des milieux terrestres et aquatiques en phosphore et en nitrates, ce qui est par exemple à l’origine des cyanobactéries dans des lacs.

L’industrie des mégaporcheries a connu une telle croissance qu’on compte aujourd’hui 7,1 millions de porcs produits annuellement, presque autant que le nombre d’habitants. Cela s’explique par le fait que l’industrie porcine au Québec n’a toujours pas de quota, et est concentrée entre les mains de quelques grands entrepreneurs de l’agro-industrie appelés des intégrateurs, qui contrôlent le processus de la naissance à l’assiette. En effet, le nombre de fermes a baissé entre 2006 et 2020, passant de 2454 à 1700, alors que celui des porcs produits a augmenté, pour atteindre en moyenne 4000 porcs par ferme. 

La production porcine est répartie entre quatre principales régions : 49 % des porcs sont produits en Chaudière-Appalaches, 20 % en Montérégie, 11% au Centre-du-Québec, et 7 % en Estrie. Elle dépend des marchés extérieurs, puisque 70% est destinée à l’exportation, principalement en Asie, dont 55 % en Chine. Comparativement en dollars, le Québec exporte 4 fois moins de sirop d’érable que de porcs. 

Parmi les solutions possibles avancées par la coalition Mégaporcheries non merci!  pour améliorer l’agriculture : 

  • Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) doit mettre davantage de moyens dans la surveillance des bandes riveraines. Nous rappelons qu’une bande riveraine est une bande végétalisée naturelle d’une largeur minimale de 10 à 15 mètres, se trouvant entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, donc le long des cours d’eau, des lacs et rivières, dans le but de capter les pesticides, insecticides, et matières fertilisantes, de préserver la qualité des eaux naturelles en éviter la contamination dans les cours d’eau. 
  • Les producteurs de l’alimentation pour le bétail doivent favoriser le fumier solide par rapport au lisier, car cela permettrait d’engraisser les sols en évitant les écoulements.

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Vidéo: La gouvernance de l’eau au Québec | Vire au vert

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2 septembre 2022

L’année 2022 marque le vingtième anniversaire de la première Politique nationale de l’eau (PNE), adoptée par le gouvernement du Québec en 2002. Cette politique devait permettre au Québec de mieux gérer et protéger ses ressources en eau. Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), le Québec compte environ 3,6 millions de plans d’eau douce, quelques dizaines de milliers de rivières, en plus du fleuve Saint-Laurent. L’ensemble de ces ressources couvre une superficie d’environ 22 % des 1 667 712 km2 du territoire québécois, ce qui représente 3 % des réserves en eau douce renouvelables de la planète.  

Nous pouvons retenir deux aspects de la PNE. Le premier est celui de la gestion intégrée de la ressource en eau qui devait permettre aux trois parties prenantes de prendre de façon concertée des décisions pour gérer l’eau. Ces parties dont il est question sont, tout d’abord le gouvernement provincial et ses différents paliers, c’est-à-dire ses municipalités et MRC, il y a ensuite les chaires de recherche qui collectent les connaissances relatives à la gestion de l’eau, et enfin, tous les utilisateurs de l’eau, comme les citoyens, les municipalités, les institutions et les industries, qui ont besoin d’un accès quotidien à la ressource en eau, et qui ont une incidence sur sa qualité et sur les quantités prélevées. Le deuxième aspect de la PNE est celui de la gestion de l’eau par bassin versant. Elle permet d’identifier les activités en amont d’un bassin, et de comprendre les conséquences de celles-ci sur son aval.

Eau Secours, un OBNL qui a pour mission de promouvoir la protection et la gestion responsable des ressources hydriques au Québec, dans une perspective de santé environnementale et de pérennité, mais également d’équité et d’accessibilité, s’intéresse particulièrement à la gouvernance de l’eau et à l’atteinte des objectifs de la PNE. L’organisme a révélé deux grandes lacunes dans la gouvernance de l’eau au Québec. 

La première lacune est le manque de transparence voulu par le gouvernement du Québec sur les quantités d’eau qui sont prélevées. En effet, en 2018, Eau Secours a fait une demande d’accès aux données sur les quantités d’eau prélevées par les grands embouteilleurs au Québec. La commission d’accès à l’information n’a pas donné une suite favorable à cette requête, au prétexte que ces données relèvent du secret commercial. Eau Secours a contesté cette décision auprès des tribunaux, en se basant sur la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau, adoptée en 2009, qui prévoit le principe de transparence et de participation du public, et par conséquent, rendrait l’information publique sur les quantités d’eau prélevées. Malgré cette Loi, la Cour du Québec a confirmé la décision de la commission d’accès à l’information. Me Marc Bishai, qui est avocat au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), et qui a représenté Eau Secours dans cette affaire, nous explique que les tribunaux ont décidé que le secret commercial a préséance sur le principe de la transparence évoqué dans la Loi. Me Bishai ajoute que les quantités d’eau prélevées par les grands préleveurs sont déjà déclarées au MELCC, et qu’il revient donc au gouvernement de modifier le cadre juridique pour explicitement prévoir que les informations sur le prélèvement d’eau par les embouteilleurs ont un caractère public, afin que les citoyens puissent participer intelligemment aux décisions sur la gestion de l’eau. 

La deuxième lacune relevée par Eau Secours dans la PNE est relative aux redevances très faibles perçues par le gouvernement provincial de la part des grands préleveurs d’eau au Québec, comme les industries, les commerces et certaines institutions, pour les quantités d’eau qu’ils puisent dans l’environnement. Le gouvernement du Québec a mis en place deux tarifications unitaires constantes, peu importe le volume d’eau prélevé, tout en permettant aux préleveurs de puiser quotidiennement 75 000 L d’eau gratuitement. La première est une tarification pour l’ensemble des utilisations : elle est de 0,25 cent pour 1000 litres d’eau prélevés. La deuxième tarification est relative à certains secteurs spécifiques, dont l’embouteillage d’eau : elle est de 7 sous pour 1000 litres d’eau prélevés. Par exemple, une compagnie comme Nestlé ou Coca-Cola, qui embouteillent de l’eau, paieraient 7 cents pour produire 1000 bouteilles d’eau. Si ces bouteilles sont vendues à 1 $ le litre d’eau, ces compagnies percevraient 1000 $ de vente en ayant payé seulement 7 cents de redevance. 

Dans un contexte de changement climatique, la raréfaction des ressources hydriques de ces dernières années à travers le monde se transforme progressivement aujourd’hui en une pénurie d’eau. En effet, de nombreuses municipalités au Québec ont fait face à des pénuries d’eau durant les étés 2021 et 2022. Dès lors, le gouvernement du Québec doit impérativement mieux préserver les ressources en eau. Concrètement, le gouvernement doit revoir à la hausse les tarifs demandés aux grands préleveurs d’eau, réduire la quantité d’eau gratuite quotidienne qui peut être prélevée, ou la supprimer, et de finalement rendre obligatoire la déclaration des quantités d’eau qui sont prélevées sur le territoire dans tous les secteurs d’activités, tout en rendant l’accès à ces données publiques en tout temps, pour les fins utiles d’une meilleure gouvernance de la ressource en eau.

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